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s’y promènent, et de là on peut mieux juger de la disposition du cirque et le voir se remplir. C’est un vaste amphithéâtre à ciel ouvert, et quel ciel ! Les loges seulement sont couvertes, et par suite les stalles qui sont sous les loges ; mais le vaste pourtour de granit qui contient le peuple est en plein air. Il y a une grande différence à faire entre le côté du soleil et le côté de l’ombre : le côté de l’ombre est naturellement le plus recherché ; il est aussi le plus cher, et telle est la passion générale pour ce spectacle que les loges sont aussi courues, aussi difficiles à trouver, aussi précieusement gardées et transmises que celles du Conservatoire.

Une grande loge vitrée est la loge royale ; à côté est celle du président des courses, qui a la police de la salle et donne les signaux. J’ai vu cette présidence remplie soit par le duc de Medina-Cœli, soit par le gouverneur de la province. En face de la loge royale est la musique, qui répète les signaux par une fanfare ; c’est là aussi qu’est la porte du toril, l’étroit passage par lequel le taureau, sortant des ténèbres, va se précipiter dans le champ de bataille et dans le soleil. De ce côté encore est l’infirmerie, appendice nécessaire de ces jeux sanglans et quelquefois mortels. Et pour joindre les soins de l’âme à ceux du corps, un prêtre se tient toujours prêt à donner aux mourans les derniers secours de la religion et à les réconcilier avec l’église.

L’enceinte est formée par un mur en planches d’environ six pieds de haut ; le taureau y donne quelquefois des coups si furieux qu’il en enlève des morceaux, et des charpentiers toujours présens réparent immédiatement les brèches. À la moitié de la hauteur de cette première palissade, et se prolongeant tout autour, est une marche sur laquelle les hommes poursuivis de trop près par le taureau posent le pied pour s’élancer de l’autre côté, où se trouve un couloir avec une seconde barrière. Il arrive quelquefois, souvent même, que le taureau, d’un bond prodigieux, franchit la première palissade ; alors les hommes sautent de nouveau de l’autre côté, dans l’arène, jusqu’à ce que le taureau, auquel on ouvre une porte, y soit rentré. Ce couloir, qui règne tout autour du cirque, n’est séparé du public que par une barrière de la même hauteur que la première ; mais pour la préserver des irruptions du taureau, on y superpose, à environ deux pieds de haut, une double ligne formée par deux câbles attachés à des poteaux et faisant enceinte continue. Les places qui touchent cette barrière sont les plus ambitionnées : on y voit la bataille à bout portant ; puis, quand le taureau franchit la première palissade et tourne furieux dans l’étroit couloir, on peut au passage lui donner des coups de bâton, lui arracher des rubans, et l’apostropher dans les termes les plus énergiques et les plus étranges.

Cependant les gradins et les loges se peuplent ; l’heure s’avance,