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qu’à un certain point la libre indépendance de la royauté, qui ne rencontre devant elle aucune force politique, et qui peut, quelquefois capricieusement, se servir des hommes ou les rejeter. C’est là cependant une expérience de nature à porter des fruits amers, et en voulant trop s’affranchir, la royauté elle-même ne risquerait-elle pas de s’asservir quelque jour à des situations violentes ou impossibles ?

Deux livres bien divers, et qui viennent d’être publiés à peu de jours d’intervalle, nous paraissent destinés à produire une impression sérieuse et durable : ce sont la Vie publique de Royer-Collard et les Essais sur l’époque actuelle de notre ami et collaborateur M. Émile Montégut. La Vie publique de Royer-Collard n’est, à proprement parler, qu’un recueil de fragmens des discours de l’illustre orateur habilement reliés les uns aux autres par une sobre narration historique. L’auteur de cette précieuse compilation, M. Léon Vingtain, a obéi à une pieuse et noble idée, et a rendu à la littérature politique un vrai service en réunissant ces magnifiques reliques de la pensée de l’interprète le plus constant, le plus énergique et le plus élevé que le libéralisme ait eu en France. Nous n’essaierons point de juger ici Royer-Collard ; il nous suffira de dire que ses discours ont conservé une actualité éclatante, et nous ne doutons point qu’ils ne soient lus avidement par le public éclairé. Il ne nous est point permis non plus d’apprécier ici dignement le mérite des Essais de M. Émile Montégut ; mais nous regrettons moins de manquer à cette tâche attrayante, en songeant que les belles études réunies dans ce volume sont connues de tous les lecteurs de la Revue. Nous venons de relire ces pages profondes et charmantes qui ouvrent à la pensée des horizons si nouveaux et si finement étudiés, et où l’originalité et l’indépendance des idées se reflètent dans une forme si attachante et si vive ; nous avons relu ces remarquables études, le Génie français, la Renaissance et la Réformation, l’Individualité humaine dans la société moderne, etc. Elles gagnent encore à être rassemblées et à s’illuminer pour ainsi dire les unes les autres. M. Montégut est un penseur pénétrant, ému de toutes les belles sympathies qui peuvent animer les jeunes hommes de notre siècle, éclairé par l’étude et pour ainsi dire par la divination de l’histoire et des civilisations étrangères, servi par une rare finesse de perception littéraire. Quand nous voyons à quel point les écrits de M. Montégut réunissent l’expérience philosophique de la vie et les candeurs gracieuses de la jeunesse, nous voudrions lui appliquer ce mot de Byron sur un de ses contemporains : So mighty and so gentle too. e. forcade.




ESSAIS ET NOTICES.
Une Bibliothèque historique arménienne[1].

La littérature arménienne se recommande par le nombre et la valeur des monumens historiques qu’elle a produits. Depuis le commencement du IVe siècle jusqu’à nos jours, ces monumens se continuent par une succession

  1. Bibliothèque historique arménienne, ou Choix des principaux Historiens arméniens, traduits en français et accompagnés de notes historiques et géographiques, par