Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/579

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sence de couches perméables de sable ou de craie dans ce bassin, composé de terrains qui sont fort peu poreux. Les inondations, qui nous ont si durement atteints en France, sont actuellement, dans beaucoup de pays, l’objet d’éludés sérieusement et méthodiquement conduites. Pour attaquer de tels travaux avec succès, il ne faut pas seulement de grandes ressources, un grand savoir; il faut aussi une centralisation qui n’existe que depuis peu de temps.

Tant que l’homme n’a pu ou n’a su modérer ces débordemens et les gouverner, il devait se contenter de tenir son habitation haute et solide, en se disant que ces petits excès de la nature devaient bien avoir leur raison d’être, que les perturbations étaient souvent nécessaires pour assurer un ordre plus régulier. Lui fallait-il donc une expérience de quarante siècles pour s’apercevoir que les plaines étaient destinées à s’exhausser au détriment des montagnes, à se nourrir de leur chair et de leur sang, que les cours d’eau, les inondations surtout, étaient l’agent de cette loi, aussi vraie, aussi immuable que celle de la gravité, dont elle est du reste un corollaire? Vouloir arrêter par des digues infranchissables ces utiles débordemens, sans lesquels nos plaines les plus fertiles ne seraient que des plages inondées par la mer ou de stériles surfaces de sable et de galets, n’était-ce pas entreprendre contre les lois de la nature une lutte inégale, insensée? Elles existaient avant l’intervention de l’homme, ces inondations que l’on voudrait faire dater d’hier, en les attribuant aux déboisemens. Or les observations que l’on a pu réunir ont constaté les faits suivans : en déboisant un terrain, on augmente sans doute la quantité de pluie qui y tombe chaque année; mais, en le livrant à la culture, on augmente la perméabilité du terrain. De ces deux effets, le second l’emporte sur le premier; par suite, il s’écoule superficiellement une moindre quantité d’eau sur les terrains après le déboisement. Il est entendu qu’il ne s’agit pas de terrains d’une pente excessive, ceux-là même ne sont du reste protégés par le boisement que d’une façon fort imparfaite.

Quelque bien boisés donc qu’aient été des pays en pente, les eaux s’y sont de tout temps écoulées fort rapidement, entraînant des terres, des cailloux, des pierres d’un volume proportionné à leur vitesse. Seulement, en arrivant dans la plaine, ces eaux n’étaient pas autrefois emprisonnées dans des digues; elles s’étalaient à leur aise, se calmaient et déposaient leurs apports sans occasionner de grands ravages; elles pouvaient bien abandonner çà et là des dépôts stériles de galets, sauf à les recouvrir de limon par la suite. Voilà ce qui devait se passer avant tout travail humain. A mesure que l’espèce humaine s’accrut, on comprend avec quel empressement les populations durent se porterie long des rivières, attirées par la fertilité des rives et la facilité de la navigation. Sans grande prévoyance, les pre-