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de temps. Ce mode de culture, alternativement arable et pastorale, est le plus rationnel et le plus productif ; bien que le sol et le climat ne lui soient pas aussi propices en France qu’en Lombardie, cet assolement améliorant et économique serait applicable chez nous avec un très grand succès dans le nord et dans le centre, et surtout dans les parties irriguées du midi : ceci demande quelques explications.

Avec le régime essentiellement arable et épuisant adopté généralement en France, on donne la plus grande extension possible à la culture des plantes nourricières de l’homme, et l’on restreint celle des plantes fourragères. C’est dans ces conditions que le rendement moyen d’un hectare en froment est de 10 à 12 hectolitres, tandis que dans les régions de la France qui sont naturellement plus fertiles, qui entretiennent un bétail plus nombreux, ou qui achètent des engrais étrangers à la ferme, le rendement peut atteindre 25 et 30 hectolitres, et même dépasser ce chiffre dans quelques terres privilégiées. Cette disproportion prouve bien que la récolte dépend encore plus de la qualité de la terre que de la quantité ensemencée.

De toutes les industries, l’agriculture est la moins riche en données économiques, en résultats, en chiffres, parce qu’il n’en est pas où une telle appréciation soit plus difficile. Néanmoins il est aujourd’hui bien constaté que le rendement en froment doit se tenir entre 18 et 20 hectolitres par hectare pour que l’exploitant opère dans de bonnes conditions, c’est-à-dire pour que, les mille et une dépenses d’exploitation défalquées du revenu brut, il reste un revenu net qui compense les risques courus, l’intelligence et l’activité déployées parle chef d’exploitation, propriétaire ou fermier. Cependant le rendement peut en quelques circonstances baisser jusqu’à 15 hectolitres, et le cultivateur retirer encore un certain revenu net à force d’ordre, d’activité et d’économie, ces trois vertus cardinales de la ferme ; mais au-dessous de 15, le revenu net se réduit rapidement, il devient nul pour 12 hectolitres, et négatif pour un rendement inférieur. Il est donc avéré qu’en France, dans les conditions actuelles, la plus grande partie des cultivateurs (et c’est encore la moins infortunée) se trouve réduite à un revenu net presque nul ou infiniment petit. Toute cette classe de cultivateurs vit, il est vrai, mais elle ne retire aucune rétribution pour les trois cents jours de travail fournis chaque année par chaque individu. Lorsque le rendement

descend à 8 et tombe même à 7 ou 6 hectolitres, non-seulement le travail n’est plus payé, mais encore le cultivateur n’arrive à la moisson suivante qu’avec des prodiges d’abstinence et d’économie.

Ces exploitations, dans lesquelles le temps des travailleurs n’est