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serait à plus de pertes, comme il le dit dans sa craintive sagesse. Le fermage, qui n’aurait pas du reste dans la petite culture une supériorité bien constatée sur le métayage, est peu praticable en Italie, où les denrées se vendent à vil prix et s’écoulent péniblement. Toutes les fois que les produits se réalisent difficilement dans un pays, le propriétaire et le cultivateur en sont réduits à les partager. C’est une opinion erronée que celle qui attribue au métayage le peu de prospérité de certains pays; le métayage est une conséquence et non une cause du manque d’activité commerciale. Etablissez la consommation dans un pays, facilitez l’écoulement par le chemin de fer, et le métayer, secouant son inerte prudence, se hasardera au fermage.

Une industrie importante en Toscane est celle des chapeaux de paille. Pour obtenir les pailles si fines que l’on connaît, les Toscans emploient leurs terres sablonneuses les plus maigres, en les privant soigneusement de tout engrais. Ils sont parvenus en outre à se créer par sélection un grain de semence rabougri, étiolé, employant à l’appauvrissement artificiel de la nature autant de soins que les Anglais en ont mis à améliorer leurs races d’animaux domestiques. La pointe seule des pailles sert pour les tresses les plus fines; le milieu et le bas sont employés pour les confections ordinaires. Les femmes qui tressent ces pailles ne gagnent que 40 centimes environ par jour. Ce salaire est minime, mais leur travail ne les empêche pas de vaquer aux soins du ménage. Il forme du reste un utile appoint aux salaires des autres membres de la famille. Il y a dans la plupart des habitations de la campagne un métier à tisser le coton, tenu presque toujours par des femmes, qui y emploient leurs momens perdus. Cette réunion sous un même toit d’ouvriers agricoles mixtes est un fait très remarquable. Je ne sais pourquoi l’on se figure en France que cette alliance de la culture et du travail industriel est impossible. Avant la création des moyens rapides et économiques de communication, les ateliers devaient nécessairement se trouver sur le lieu même de la consommation. Encore maintenant, ceux qui s’occupent d’ouvrages vendus au détail et commandés jour par jour ont leur place naturelle dans le centre des villes; mais en est-il de même des fabriques qui opèrent sur les matières premières, de celles qui fondent ou forgent les métaux, qui filent ou tissent les matières textiles? En un mot, les usines se trouveraient, ce semble, dans des conditions économiques bien plus avantageuses à la campagne, loin des villes; elles y rencontreraient un emplacement commode, des facilités pour utiliser la force gratuite des chutes d’eau, des possibilités de loger à bon marché leurs ouvriers, et de les placer dans des conditions hygiéniques aussi favorables à leur santé qu’à leur travail. Le centre de la France, pays vierge pour l’indus-