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baie d’Avatscha : Koriatskoï, égal en hauteur au pic de Ténériffe; Koselskoï, du cratère duquel s’échappe incessamment un nuage de vapeurs, et, plus près du rivage, Villeuschinski, dominant de sa masse imposante les lignes tourmentées de la côte. Aussitôt les signaux montent en tête de mât, toutes les voiles sont établies, et chacun cherche à se rapprocher de cette terre que les regards interrogeaient avidement; mais il était dit que nous n’échapperions à aucune des contrariétés qui font de la vie du marin la meilleure de toutes les écoles de patience. Les indices précurseurs d’une journée de calme ne tardèrent pas à se manifester, les voiles retombèrent inertes le long des mâts qu’elles battaient lourdement au roulis, et les navires, immobiles, cessèrent d’obéir à l’action du gouvernail. Force était d’attendre au lendemain.

Ce calme toutefois rendait à la Virago toute sa supériorité. Nous étions trop au large pour pouvoir être bien distinctement reconnus de terre; l’amiral Price se décide à en profiter pour tenter lui-même du plus près qu’il lui sera possible une reconnaissance des forces de la place, et en peu d’instans le rapide vapeur laisse loin derrière lui la frégate qui le remorquait la veille. L’entrée du goulet et ses hautes murailles rocheuses ne tardent pas à se dessiner. Pour y pénétrer, la Virago emprunte le secours d’une ruse fréquemment employée à la mer, et s’avance jusque dans la rade intérieure en arborant à sa corne les raies aux vives couleurs du pavillon américain. Le port est à droite : quelques mâtures aperçues dans le fond d’une baie, quelques maisons éparpillées au bas de la montagne, l’ont promptement signalé à l’amiral, qui se dirige de ce côté avec une lenteur calculée. Bientôt une embarcation en sort et gouverne vers le navire, qui l’évite au moyen de fausses manœuvres adroitement combinées. Enfin, au moment où l’ennemi commence à s’inquiéter et garnit ses batteries, à portée desquelles se trouve déjà le visiteur suspect, celui-ci vire brusquement de bord, et regagne à toute vapeur l’entrée du goulet, laissant le canot russe interdit de cette mystérieuse apparition. Tâchons maintenant d’exposer en quelques mots ce qu’avait appris à l’amiral cette courte et habile reconnaissance.

Située sous le 54e degré de latitude, la baie d’Avatscha forme un admirable et sûr bassin intérieur de près de 10 milles de diamètre, merveilleux joyau maritime qu’une méprise de la nature semble avoir égaré sur cette côte déserte. Assez vaste pour abriter toutes les marines du globe, elle n’est reliée à la mer qu’au sud, par un goulet assez semblable à celui de la rade de Brest, et lorsqu’après avoir franchi ce goulet on longe les terres situées à droite du navire, c’est-à-dire la côte orientale de la baie, on ne tarde pas à rencontrer le petit port de Petropavlosk, dont la description mérite