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Comme en s’endormant il avait touché quelques mots de cette chasse au docteur en droit, et qu’il ne l’avait pas trouvé favorable à ce projet, dont, pour sa part, M. Goefle n’avait nulle envie, Christian prévit qu’il rencontrerait de l’opposition chez son bon oncle, et, se sachant complaisant, il prévit aussi qu’il céderait. — Bah ! pensa-t-il, mieux vaut s’échapper sans bruit, en lui laissant deux mots au crayon pour qu’il ne s’inquiète pas de moi. Il sera un peu contrarié, il s’ennuiera de déjeuner seul ; mais il a encore à travailler, à causer avec M. Stenson : je rentrerai à temps peut-être pour qu’il ne s’aperçoive pas trop de son isolement.

Christian sortit doucement de la chambre de garde, s’habilla dans celle de l’ourse, mit, par habitude et par précaution, son masque sous son chapeau, et sortit par le gaard, qui était encore plongé dans le silence et l’obscurité. De là, Christian gagna le verger desséché par l’hiver, descendit au lac, et, se voyant, de ce côté, beaucoup plus près du rivage que par le sentier du nord, il traversa un court espace d’eau glacée, et se mit à marcher en terre ferme dans la direction du château neuf.

Dans le même moment, Johan traversait la glace du côté opposé et venait se mettre en observation au Stollborg, sans se douter du vol que son gibier venait de prendre.

XII.

Christian ne pensait pas trouver le major au château neuf. Il savait que le jeune officier allait passer chaque nuit ou chaque matinée, après les fêtes du château, à son bostœlle, situé à peu de distance. N’ayant pas songé à lui demander dans quelle direction se trouvait cette maison de campagne, il ne la cherchait nullement. Son intention était d’observer à distance les préparatifs de la chasse et de se mêler aux paysans employés à la battue générale.

Il suivait encore le sentier au bord du lac, lorsque l’aube parut, et lui permit de distinguer un homme venant à sa rencontre. Il baissa vite son masque, mais le releva presque aussitôt en reconnaissant le lieutenant Osburn.

— Ma foi ! lui dit celui-ci en lui tendant la main, je suis content de vous rencontrer ici. J’allais vous chercher, et cette rencontre nous fera gagner au moins une demi-heure de jour. Hâtons-nous, le major est là qui vous attend.

Ervin Osburn prit les devans en rebroussant chemin ; au bout de quelques pas, il se dirigea vers la gauche dans la montagne. Lorsque Christian, qui le suivait, eut gravi pendant quelques minutes une montée assez rapide, il vit au-dessous de lui, dans un étroit ravin,