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ment les vues de la France et du parti piast en appelant au trône un gentilhomme polonais. Cependant il aurait fallu deviner aussi, et la chose n’était pas à coup sûr difficile, que l’empereur d’Allemagne et l’impératrice de Russie entraveraient ce choix avant l’élection, ou protesteraient immédiatement contre le vote. A peine en effet Stanislas eut-il été acclamé au champ électoral de Varsovie, qu’une armée russe et saxonne, envahissant par toutes ses frontières le territoire polonais, faisait proclamer Auguste III, fils du roi défunt, dans une diète formée d’un petit nombre de mécontens. Peu après, ce prince recevait le concours d’une armée autrichienne pour prix de son adhésion à la pragmatique de Charles VI, et ces forces réunies, après avoir écrasé dans quelques rencontres la cavalerie polonaise, plus brave que disciplinée, contraignaient le malheureux Stanislas à se réfugier dans les murs de Dantzig sous la protection de la poignée de soldats que l’imprudence du gouvernement français y avait enfermés avec lui. Une héroïque défense sauva l’honneur de notre drapeau sans rétablir la réputation de notre politique. Dans cette lutte sans espoir, que l’anéantissement de sa marine interdisait à la France de prolonger au fond de la Baltique, il fallut céder au nombre, et Stanislas lui-même eut à traverser, pour sauver sa tête, des épreuves dont la fuite de Charles-Edouard devait seule surpasser bientôt la dramatique horreur.

L’unique résultat de la politique où s’était laissé engager Fleury avait donc été, avec la destruction d’une poignée de braves, une guerre engagée à l’improviste contre l’Autriche et la Russie. Ce fut de ce fait, si redouté pourtant du cardinal, que sortit bientôt après la gloire la plus solide de sa vie. Engagé dans une lutte avec l’Autriche, ce ministre se trouva conduit à se rapprocher bien plus étroitement de l’Espagne, que de récens mécomptes avaient si vivement irritée contre la cour de Vienne. Aussi la reine Elisabeth, voyant après une longue attente la paix du monde troublée selon le vœu le plus cher de son cœur, et comprenant que la force des choses allait enfin lui assurer pour ses ambitions cette complicité de la France qui lui avait si longtemps manqué, agrandit-elle ses perspectives avec les chances inattendues que lui envoyait la fortune. L’infant don Carlos, déjà établi en Toscane, venait de prendre possession du duché de Parme après la mort du dernier des Farnèse; mais cet arrangement était à peine consommé, qu’un plus vaste projet, reposant sur l’expulsion des Allemands de toute l’Italie, était débattu dans le plus profond mystère entre les cabinets de Versailles, de Madrid et de Turin, réunis dans une hostilité commune contre le cabinet impérial. Quelques jours avant la déclaration de guerre de la France à l’Autriche, un triple traité avait été signé pour