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mans de Hyderabad. Pars avec nos cavaliers et va rejoindre le gros de l’armée. — Ivre de joie, le jeune berger saisit le cimeterre, le bouclier et la masse d’armes que lui présentait son oncle. Il s’élança à cheval et se mit à galoper à droite et à gauche, sous les yeux du vieux tenancier, qui admirait sa belle tenue et son air martial. Derrière celui-ci se cachait sa fille Gotamâ; le berger, dont chaque soir elle guettait le retour, quand il rentrait avec les troupeaux, lui apparaissait transformé en un héros des légendes anciennes. Heureuse de le voir si brillant et désolée de son départ, elle le recommandait à tous ses dieux, et Naraïn ne fit qu’exprimer la pensée de sa fille, quand il dit à Molhar d’une voix émue : — Va, mon fils, et que le grand Mahâdèva détourne de toi tous les coups de l’ennemi !

— Que la paix et la prospérité règnent dans votre demeure, ô mon oncle! répliqua le jeune soldat, et il disparut derrière les halliers, regardant avec fierté l’ombre de ses armes qui se reflétait sur la poudre des chemins.

Les vingt-six cavaliers rejoignirent le corps de troupes commandé par Kanta-Dji-Kaddam-Bhandya, possesseur d’un fief considérable dont relevaient les terres appartenant à Naraïn. Bientôt parut l’ennemi, et quelques escarmouches eurent lieu, dans lesquelles Molhar fit rapidement son apprentissage de soldat. Il maniait avec une extrême habileté le tarouar, sabre à large tranchant, que les Mahrattes portent toujours passé dans les plis de leur ceinture. Au premier combat de quelque importance auquel il prit part, Molhar courut droit au chef musulman. Celui-ci leva son cimeterre sur la tête de l’assaillant, mais le jeune Mahratte reçut le coup sur son bouclier, et riposta avec une telle vigueur que le mahométan tomba de cheval mortellement atteint. Une grande clameur s’éleva dans les rangs des Mahrattes; le nom, jusqu’alors inconnu, de Molhar fut célébré dans toute la contrée, et l’on commença à ressentir pour lui cette admiration et ce respect qu’il avait inspirés durant son sommeil à la cobra de capello. Au retour de cette première expédition où il avait conquis sa renommée, Molhar fut accueilli par son oncle avec un redoublement d’affection. Désireux de s’attacher par des liens plus étroits encore le jeune guerrier, fils de sa sœur, Naraïn lui donna en mariage sa fille Gotamâ. Cette union fut heureuse; Molhar ne prit jamais d’autre femme que celle-là.

Après cette courte campagne, le râdja Sahou recevait de Férokhsire, sultan de Delhi, le titre de commandant de dix mille chevaux; c’était un grade purement honorifique, que les empereurs mogols décernaient à leurs grands vassaux, même quand ceux-ci ne reconnaissaient qu’à moitié leur suzeraineté. Incessamment menacé par l’ambition des principaux khans de son empire, dont il se montrait jaloux, et qu’il n’avait ni la hardiesse de s’attacher par la franchise,