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rapprocher du Nizam; aussi le ménageaient-ils jusqu’à un certain point, et, tout en lui faisant beaucoup de mal, ils affectaient de le traiter avec égards.

Mais vers cette même époque des événemens inattendus vinrent rompre cet équilibre, déjà si difficile à maintenir. L’empire mogol, affaibli par tant de désastres, se vit menacé de disparaître dans une nouvelle invasion venue de la Perse. En 1739, Nadir-Shah entrait à Dehli pour n’en partir qu’après cinq semaines d’une occupation marquée par toute sorte de cruautés, emportant avec lui un immense butin et laissant la grande ville remplie de cadavres. Le sultan Mohammed-Shah fut enfin forcé d’appeler du Dekkan le vice-roi Nizam-oul-Moulouk, alors âgé de quatre-vingt-quinze ans : cet énergique vieillard lui semblait avec raison le seul d’entre les chefs musulmans qui pût tenir tête aux hordes commandées par Nadir-Shah. A peine Nizam-oul-Moulouk prenait-il le chemin de Dehli, que les Mahrattes se mettaient en marche pour envahir ses états et se porter aussi vers les pays du littoral qui avoisinent Bombay.

Un corps d’armée aux ordres de Tchimna-Dji, frère du peshwa, auquel se joignirent les troupes de Molhar-Rao-Holkar, attaqua les possessions des Portugais. Les Mahrattes assaillirent à la fois Goa, le fort d’Asserie et celui de Tannah, situé dans l’île de Salsette. Serrés de près par un ennemi aguerri et bien supérieur en nombre, les Portugais se défendirent avec une énergie désespérée. Au siège de Tarrapour, que dirigeait Rano-Dji-Sindyah, la garnison, commandée par dom Francisco de Alarcao, fut presque entièrement détruite en faisant de vains efforts pour repousser les Mahrattes, qui s’élançaient sur les murailles avec des échelles. Dans le même temps, Molhar-Rao-Holkar enlevait d’assaut la forteresse de Bassein, construite par Nunho d’Acunha et baignée de deux côtés par la mer. Là encore les Portugais, conduits par Joao de Souza Pereira, firent des prodiges de valeur; ils défendirent pied à pied le terrain que leur arrachaient les mines en déchirant les remparts et pratiquant sous leurs pas des brèches béantes. Une capitulation honorable fut la récompense de leur valeur. La noblesse et les religieux dominicains, cordeliers, augustins et autres, qui occupaient cinq couvens spacieux, émigrèrent à Goa; les commerçans se retirèrent librement dans la cité anglaise de Bombay. Quant aux chrétiens indigènes ou européens qui consentirent à rester, ils n’eurent à subir aucune insulte de la part des vainqueurs. Un prêtre né dans le pays put exercer sans contrainte le culte catholique au milieu de cette ville tombée aux mains des idolâtres[1].

  1. Dans cette campagne contre les Portugais, les Mahrattes eurent de douze à quatorze mille hommes tués ou blessés. Voyez History of the Mahrattas, by James Grant Duff.