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se bien conduire envers l’empereur, et dans le traité de garantie signé par les quatre plus puissans personnages de la confédération mahratte, on lisait les noms de Rano-Dji-Sindyah, de Molhar-Dji-Holkar, simples paysans, avant ceux d’un chef de la race de Porus et d’un descendant de la famille de Krichna[1].

Bien que dans cette circonstance solennelle le nom de Rano-Dji occupe le premier rang, et quelle que soit l’importance du rôle que joua dans les grandes expéditions militaires le fondateur de la dynastie des Sindyah, il ne porta jamais le titre de roi que prirent ses descendans : il se contentait de son ancienne qualification de patel, chef de village. Sa renommée fut éclipsée par celle de ses fils et de ses petits-fils; aussi les détails de sa vie sont-ils moins connus que les faits et gestes de ceux-ci. Il mourut vers 1760, dans le Malwa, où il possédait des fiefs, et fut enterré sur la rive orientale de la Djamouna, au village de Shoudjawalpour, dont le nom fut changé en celui de Ranogong, — village de Rano; — mais cette nouvelle appellation n’a point été admise par les géographes. Doué d’une activité extraordinaire, intelligent et hardi dans ses entreprises, il paraît avoir été le bras droit du peshwa, qui s’était plu à le tirer de sa condition obscure et avait en lui une confiance absolue.

Le compagnon d’armes et l’ami du premier des Sindyah, Molhar-Rao-Holkar, lui survécut; il devait poursuivre, pendant plus de dix années encore, sa carrière glorieuse. Il lui était réservé d’assister à de grandes batailles rangées et de poser le pied sur le seuil du palais des empereurs mogols. A la suite du peshwa Badji-Rao, dont il payait les bienfaits par un dévouement à toute épreuve, on l’avait vu ravager le Doab avec ses cavaliers. Séparé du reste de l’armée mahratte et battu, au retour de son expédition, par les troupes du sultan de Dehli, il était parvenu, à travers mille difficultés, à rejoindre son maître auprès de Gwalior. Aucun chef de la confédération ne s’était avancé plus loin que lui vers le nord; aucun n’avait assisté à un plus grand nombre de combats et pris une part plus active à ces entreprises incessantes qui attestaient la puissance de la nation mahratte et son incroyable vitalité. Un bonheur constant semblait s’être attaché à ses armes, et, en quelque lieu qu’il se trouvât, il obéissait sans murmure aux ordres du peshwa, parcourant d’immenses étendues de pays pour répondre à l’appel de celui qu’il considérait comme son bienfaiteur.

  1. Djessauat-Rao-Pouar (nom du Porus de l’histoire ancienne) et Pilla-Dji-Djadou (ou Yadou, nom de la famille du dieu Krichna). Les Pouars, qui sont de la caste des kchattryas et classés parmi les grands officiers du râdja de Satara, ont toujours réclamé le droit de préséance sur les représentans des familles de Sindyah et de Holkar. Pilla-Dji était de la race des Guikwar, jadis chefs de village dans le Gouzerate sous le premier peshwa, et aujourd’hui encore princes d’un petit état dont la capitale est Baroda.