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fils du porteur de pantoufles en retiraient des sommes immenses au moyen desquelles ils pouvaient subvenir à l’entretien de troupes nombreuses et bien armées. Considérés par le peshwa et par tous les Mahrattes comme les plus puissans chefs de la confédération, ils voyaient leur alliance recherchée par les vice-rois de l’empire de Dehli et surtout par le Grand-Mogol lui-même, qui n’avait plus la force de gouverner ses états.


III.

Le temps approchait cependant où les Mahrattes, arrivés au faîte de leur puissance, allaient éprouver un immense revers. Tandis qu’ils remontaient du sud au nord, menaçant toujours d’absorber l’empire mogol, à moitié démembré, un peuple musulman, venu des contrées septentrionales, descendait impétueusement vers le midi. Entre les nations hindoues et les tribus mahométanes, la rencontre devenait inévitable. En 1747, Ahmed-Shah-Abdalli, fondateur de la dynastie des Dourranies[1], se faisait couronner à Kandahar. Cette ville fameuse, que les Persans et les Mogols s’étaient si longtemps disputée, et que Nadir-Shah avait conquise dix années auparavant après un siège de dix-huit mois, prenait rang parmi les capitales de ces empires éphémères dont l’Inde a vu l’éclat briller un jour et s’éclipser le lendemain. Ahmed-Shah[2] avait à peine commencé à régner, que déjà les pays de Balk, du Sindhe, de Kachemire et du Belouchistan reconnaissaient l’autorité du nouveau conquérant. Celui-ci conduisit son armée sur les bords de l’Indus, qu’il avait à franchir pour envahir le Pendjab. Mal défendus par les troupes impériales, les gués du fleuve furent traversés sans difficulté; la ville de Sirhind, qui se trouve sur la grande route de la Perse à Dehli, et dans laquelle étaient rassemblées les provisions et presque toute l’artillerie de l’empereur, tomba au pouvoir des Dourranies. Pendant ce temps, des intrigues de palais achevaient de détruire, en les divisant, le peu de forces qui restait encore à l’empire mogol. Sommé par le chef des Afghans de lui abandonner la possession du Pendjab, Ahmed-Shah venait de souscrire à ces honteuses conditions, lorsque parut à Dehli le vizir Safdâr-Djang, qui avait chassé les Rohillas du pays d’Oude avec l’aide des Mahrattes. Le vizir ne dissimula pas son mécontentement, et bientôt sa colère éclata, quand il s’aperçut qu’un eunuque lui avait enlevé la confiance de l’empereur. Il s’en

  1. Dourranie est le nom de la plus considérable des dix-huit tribus de l’Afghanistan.
  2. Empereur de Dehli et successeur de Mohammed-Shah; il ne faut pas le confondre avec l’autre Ahmed-Shah-Abdalli, chef des Afghans.