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vait encore attendre et encore retarder la publication de l’arrêt, c’est qu’on avait déjà attendu plusieurs années. Chacun sait en Suède qu’on était redevable de ces premiers délais à l’autorité personnelle du roi Oscar; tout le monde pensait qu’ils seraient toujours renouvelés, et que la Suède n’aurait jamais à rougir d’une telle condamnation. Nous regrettons que l’autorité du régent n’ait pas été aussi heureuse que celle du roi son père. Une preuve encore qu’on pouvait s’abstenir, c’est qu’on a semblé traiter cette condamnation comme une formule vaine dont il fallait se jouer. On a fait dire que le souverain userait assurément de son droit de grâce, s’il était invoqué : il ne l’a pas été et ne pouvait pas l’être, parce que ceux-là seuls apparemment implorent leur pardon qui se reconnaissent justement frappés, et ce formalisme d’une loi décrépite, qui pouvait rester simplement absurde grâce à l’oubli, aura été à la fois cruel pour les victimes et compromettant pour les juges.

Si la conclusion suivant laquelle il aurait été hors du pouvoir des autorités suédoises de suspendre encore l’arrêt si longtemps suspendu ne nous semble pas nécessaire et inévitable, celle qui rejette la faute sur l’esprit public, l’unique coupable dont on aurait suivi l’impulsion, ne nous paraît pas légitime. Voici pourquoi.

On sait quel système de représentation nationale a été conservé en Suède après la révolution de 1809. Chacun des quatre ordres, noblesse, clergé, bourgeoisie et paysans, forme une des quatre chambres dont se composent les états du royaume. Or assurément il n’est pas vrai de dire, ni que ces quatre chambres représentent sincèrement et exactement toute la nation (témoin certaines professions et les séparatistes, qui ne comptent pas parmi les bourgeois ou parmi les paysans), ni que chacune ait un droit égal à se dire l’interprète pour sa part de l’opinion publique. Si en effet la chambre des paysans peut prétendre avec raison à être l’expression de l’esprit public pour les campagnes comme la chambre des bourgeois pour les villes, n’est-il pas incontestable que celle de la