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digne de lui et funeste. S’il n’y met bon ordre, cette intolérance le menace d’autres périls encore, soit d’une immobilité et par suite d’une anarchie dangereuses à l’intérieur, soit d’un amoindrissement factieux de son crédit et de son rôle futur dans le champ moins restreint de la politique étrangère. Nous souhaitons que le mal ne soit pas en partie déjà fait.

Il n’est pas question ici, comme on le pense bien, de discuter des points de théologie, mais seulement d’emprunter à l’histoire toute récente quelques témoignages, indices du présent, signes de l’avenir, et dont les passions politiques ou religieuses s’arrangeront comme elles pourront. Voulons-nous prévoir de quels dangers intérieurs la Suède est menacée par la persistance de l’oppressive et perfide union entre l’église et l’état? Il nous suffira de rappeler par quelques traits quelles ont été les destinées des deux églises de Norvège et de Danemark. L’un et l’autre gouvernement, dans ces pays voisins, ont vu leur église en proie au désordre, et y ont coupé court, fort sagement, par la liberté.

C’est à partir du milieu du XVIIIe siècle qu’on voit l’église norvégienne, église d’état, commencer une longue série d’efforts pour repousser, en appelant le pouvoir laïque à son secours, les attaques multipliées qui se dirigent contre elle. Dès 1745, une loi qui resta en vigueur jusqu’au commencement du règne d’Oscar Ier fit appel aux mêmes armes dont l’église de Suède se sert encore aujourd’hui, à l’emprisonnement, aux confiscations, à l’exil. La loi décrétait, dans la plupart des cas, une justice sommaire. Nul séparatiste ne devant être toléré dans le royaume, si l’on en trouvait quelqu’un, on devait s’emparer de sa personne, le mettre à bord du premier navire en partance, et, sans examen ni jugement, le transporter hors du royaume. Quiconque, dans les questions secondaires ne touchant ni à la doctrine ni au domaine de la conscience, prétendait se régler à sa façon et contre les règlemens de l’église officielle devait être saisi comme rebelle et traître, quelle que fût d’ailleurs l’orthodoxie de ses opinions religieuses. Pour sa seule désobéissance aux dispositions extérieures ordonnées au nom du roi, on devait l’enfermer, sans autre forme de procès, dans une maison de correction ou dans la prison la plus voisine, afin de couper court le plus promptement possible à la contagion de sa révolte. L’église était de la sorte si intimement incorporée à l’état que celui-ci prenait soin d’infliger les mêmes peines à la violation de la discipline ecclésiastique et aux délits contre la loi civile, et que le chrétien éloigné par la voix de sa conscience de l’église établie était assimilé au soldat déserteur ou traître envers la patrie. Le recueil des arrêtés relatifs aux affaires religieuses montre à chaque pas pendant les années suivantes les traces d’une inquiétude qui s’ac-