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mement que le permettrait le respect de sa constitution, de ses lois, de son caractère particulier, aux deux autres peuples représentant avec lui la nationalité scandinave. Tel serait le scandinavisme vraiment pratique. C’est celui vers lequel tendent, par la force des choses et presque à leur insu, les trois peuples du Nord, celui qui, promettant de sauver le Danemark, peut ouvrir à la Suède de brillantes perspectives.

Malheureusement, nous ne craignons pas de le dire, la Suède elle-même a fait faire un pas en arrière à cette espérance d’une utile et permanente union entre les nations scandinaves. Pour qu’une telle union devint prochaine, il faudrait évidemment que la Suède ne restât pas si fort au-dessous, à certains égards, des deux autres nations sœurs, au rang inférieur où la retient sa constitution décrépite. Nous le répétons, la division de la représentation nationale en quatre ordres arrête en Suède toute réforme politique ou sociale qui, inspirée par l’esprit moderne, contrarie par quelque côté des privilèges de castes, restes informes du moyen âge. Que la Suède ait fait pendant le règne du roi Oscar d’importans progrès pour l’industrie et le commerce, nous ne l’ignorons pas. Ce pays, qui, avant 1830, incapable de se nourrir, importait annuellement 2 ou 300,000 tonnes de blé, non-seulement se suffit maintenant à lui-même, mais a exporté en 1855 1,739,000 tonnes de blé. Son importation, qui n’était en 1834 que de 14 millions et demi de rigsdalers de banque[1], était en 1856 de 70 millions et demi, — son exportation ayant d’ailleurs monté de 16 millions de rigsdalers à près de 62 millions. Le chiffre qui représente l’ensemble des produits de son industrie était de 11 millions de rigsdalers, il est aujourd’hui de 41 millions. La fabrication des machines et métiers dans ce pays, dont les entrailles sont de fer, était de 78,000 r. seulement, tandis qu’elle s’élève aujourd’hui à 2,430,000. Ce sont là des chiffres éloquens à coup sûr; nous savons que le roi Oscar en est fier, surtout de celui qui représente ce grand et nouveau fait de l’exportation du blé suédois; nous savons encore, que si cela eût dépendu seulement du roi Oscar, la Suède eût obtenu la réforme de sa représentation. Il en a été autrement par malheur : tous les efforts ont échoué contre l’égoïsme aveugle de quelques-unes de ces castes, et toutes les réformes vraiment libérales y échoueront de la sorte. C’est ainsi qu’on a rejeté le projet d’une loi de tolérance religieuse présenté, peu de temps avant sa retraite, par ce même roi Oscar, qui avait inauguré son règne par la loi des dissidens en Norvège. Que faire contre cette vieille machine, contre cette organisation vicieuse qui résiste par sa force

  1. A 2 francs 13 centimes environ chaque rigsdaler.