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à l’artiste des propositions honorables pour l’attacher comme professeur de violon au collège de Vendôme. Le dernier des Philidor se laissa séduire par la perspective d’une vie plus calme que celle qu’il avait menée jusqu’alors et par les douceurs d’un bien-être plus certain. Il accepta les offres qu’on lui faisait, et se fixa à Vendôme en 1835. C’est là que je l’ai connu.

Vendôme, dans le département de Loir-et-Cher, est l’une des rares petites villes de France qui ont un nom dans l’histoire générale du pays. Elle est fort ancienne, et, comme on dit, son origine se perd dans les ténèbres du temps. Dès le moyen âge, Vendôme eut des princes renommés, une abbaye de bénédictins, qui remonte au XIe siècle, et dont les annales s’entremêlent constamment avec celles de l’église. La ville possède un beau temple du style gothique fleuri du XVe siècle, qui est classé parmi les monumens historiques, l’église de la Trinité, les restes d’un château fort, qui a joué un rôle important dans l’histoire de la monarchie, et que Henri IV n’a pu prendre qu’à coups de canon, enfin un collège célèbre, fondé en 1620 par César de Vendôme, le bâtard de Henri IV et de la belle Gabrielle d’Estrées. Les derniers ducs de Vendôme descendent de cette branche vigoureuse de Henri IV, et parmi eux on remarque le grand capitaine qui a raffermi Philippe V sur le trône d’Espagne. Après la mort du généralissime de Philippe V, Vendôme et ses dépendances furent réunies à la couronne en 1712.

Le collège où Philidor se vit accueilli comme professeur de violon a joui d’une grande réputation, surtout pendant la révolution et les dix premières années de ce siècle. Il fut pendant longtemps dirigé par les oratoriens, qui, appelés en 1620 par César de Vendôme, s’installèrent dans un ancien bâtiment reconstruit depuis, et dans lequel existait un hôpital de Saint-Jacques, dont le nom se trouve mentionné dans plusieurs vieilles chroniques. Les oratoriens y instruisirent avec succès une nombreuse jeunesse jusqu’à la suppression des ordres religieux par l’assemblée constituante. Alors deux anciens oratoriens sécularisés, MM. Dessaignes et Maréchal, qui avaient embrassé avec ferveur les idées des temps nouveaux, prirent la direction du vieil établissement de Vendôme. Secondés par les meilleurs professeurs qu’ils purent trouver parmi les débris des anciennes corporations enseignantes, ils menèrent à bien leur entreprise et furent largement récompensés de leurs efforts. Après la mort des deux associés, M. Maréchal-Duplessis, fils de l’un d’eux, homme distingué, qui a été un brillant élève de l’ancienne école normale supérieure, prit à son tour la direction du collège de Vendôme, qu’il a conservée, à travers des fortunes diverses, jusqu’en 1847, année où ce bel établissement fut érigé en collège royal. L’ancienne. Institution des oratoriens prospère aujourd’hui sous la main de l’état comme par le passé, tandis que le fameux collège de Pontlevoy, qui est dans le même département, ne peut se soustraire à l’influence cléricale. Il est sorti du collège de Vendôme un grand nombre d’hommes distingués dans toutes les carrières. Le trop fameux Fouché, de Nantes, n’a-t-il pas professé les mathématiques au collège de Vendôme quelques années avant la révolution ! Le duc de Chartres, devenu depuis le sage roi Louis-Philippe, se trouvait en garnison à Vendôme en 1789, où il sauva un homme qui se noyait dans le Loir. La population, reconnaissante de cet acte de dévouement, lui décerna une couronne