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gnons d’infortune, parmi lesquels il avait organisé des concerts périodiques qui attiraient même les amateurs du dehors. On sait que la musique a une très grande influence sur les aliénés; depuis que cette triste maladie de la pauvre espèce humaine est devenue un objet particulier d’étude, la science a cru y trouver un moyen puissant de diversion bienfaisante et souvent aussi de guérison. Philidor passa plusieurs années, entouré de soins délicats, dans cette maison, où venaient le visiter de temps en temps quelques personnes de Vendôme qui lui avaient conservé de l’affection. Il paraît que son talent n’avait rien perdu de la grâce et du charme qui l’avaient distingué autrefois. Un homme de goût, M. L’abbé Pornin, qui n’est point étranger à la musique ni à l’art de jouer du violon, allait souvent entendre Philidor, qui, il travers les lueurs de sa faible raison, retrouvait parfois les inspirations de ses beaux jours. Cependant les ombres s’épaississaient dans ce cerveau troublé par tant de vicissitudes. Il vécut encore quelque temps comme une larve errante, et puis il s’éteignit dans l’automne de l’année 1854, âgé de trente-huit ans.

Ainsi finit un artiste de mérite, un violoniste d’un talent plein de charme et de facilité, qui avait été un élève distingué de Baillot, et qui portait un nom illustre, l’arrière-petit-neveu de Philidor, l’un des créateurs de l’opéra-comique.


P. SCUDO.



Mission de la Chine et du Tonkin[1]


Les pères de la compagnie de Jésus se proposent de publier les voyages et travaux des missionnaires de leur ordre. Ils ont déjà fait connaître la Mission de Cayenne et de la Guyane française[2]; leur seconde publication est consacrée à la Mission de la Cochinchine et du Tonkin. C’est une œuvre qui doit devenir considérable, car il n’est pas besoin de rappeler que les jésuites se sont montrés à peu près partout, qu’ils ont transporté sur tous les points du globe, à travers des fortunes bien diverses, leur ardeur de prédication et leur ambition de propagande, enfin que, dociles à la voix de l’illustre fondateur de leur compagnie, ils ont lancé dans toutes les directions, au plus épais de la mêlée païenne, leurs bataillons militans. Si donc ils entreprennent aujourd’hui de raconter la vie et les travaux des pères qui ont ouvert la route des missions, ils ont devant eux une lourde tâche.

Lors même que l’on ne trouverait dans ces récits que la description de nombreux actes d’abnégation et de courage, et le tableau fréquemment répété des martyres subis pour la cause du christianisme, cela suffirait pour la satisfaction des âmes pieuses qui recherchent les lectures édifiantes. A un point de vue plus général, ces mêmes récits, tout imprégnés des idées de dévouement et de sacrifice, présentant l’image du renoncement le plus complet aux œuvres et aux joies du monde, peuvent ne pas être inutiles au milieu d’une société où les soucis matériels prennent chaque jour une plus large place. Il y a là un contraste salutaire, dont il ne faudrait certainement

  1. Paris, Charles Douniol, éditeur, 1858, 1 vol. in-8o.
  2. A la même librairie, 1 vol. in-8o.