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détention, et dès que ses relations et ses habitudes sont de nature à faire douter de la sincérité de son amendement, il faut l’écrouer de nouveau et jusqu’à l’expiration de sa peine. Alors même qu’il est définitivement élargi, il doit être passible d’un emprisonnement préventif, si sa conduite est suspecte et s’il ne justifie pas de moyens légitimes d’existence. C’est une disposition nouvelle à introduire dans la législation. D’un autre côté, les sociétés de patronage doivent procurer de l’ouvrage à tous les hommes libérés et résolus à vivre honnêtement. Quant à la possibilité de réformer la plus grande partie des condamnés, elle est, ajoutait l’honorable recorder, démontrée par des faits irrécusables. De 1843 à 1845, 298 détenus sont sortis de la prison de Munich après un emprisonnement de une à vingt années; 246 ont tenu jusqu’à ce jour une conduite irréprochable, sur lesquels 189 avaient été condamnés pour meurtres, homicides et vols qualifiés. Comment ce résultat a-t-il été obtenu? Par le régime le plus doux, celui du travail en commun et en silence. Tous ces prisonniers, traités d’abord comme des bêtes féroces, chargés de chaînes, accablés de coups, entourés de gardes et de chiens énormes, ont été humanisés par un nouveau gouverneur, M. Le conseiller d’état Obermaier, qui avait déjà dirigé avec le même succès la prison de Kaiserslautern. M. Obermaier s’appuie sur la conviction que les plus grands criminels conservent le germe de quelque bonne qualité, et qu’une discipline inspirée plutôt par la pitié que par la rigueur, en s’adressant aux nobles tendances de la nature humaine plutôt qu’à ses instincts brutaux, doit éveiller en eux un nouveau sentiment, le respect de soi-même, et développer graduellement leur moralité.

Le colonel don Manuel Montesinos, gouverneur de la prison de Valence pendant vingt ans, a obtenu des résultats encore plus remarquables par un régime encore plus indulgent. Il avait fait de la prison une cité ouvrière où quinze cents détenus, travaillant par groupes, dans divers ateliers, à quarante métiers différens, confectionnaient les meubles les plus élégans et les plus riches étoffes, dont le prix était partagé entre eux et l’état, pourvoyaient à toutes les dépenses de la maison, et gagnaient chacun environ 450 francs par an. Les prisonniers de Valence pouvaient, comme ceux de Munich, abréger d’un tiers, par leur bonne conduite, le temps de leur captivité. Ils recevaient l’enseignement primaire et disposaient d’une bibliothèque choisie. Ils avaient un jardin, des orangers, une faisanderie. A peine étaient-ils gardés; sans chaînes et sans verroux, ils ne semblaient retenus que par le sentiment de l’obéissance, et, ce qu’il y a de plus remarquable, une fois sortis de prison, sauf très peu d’exceptions, ils n’y rentraient plus. La proportion des récidives n’était que de 2 pour 100 au lieu de 35, chiffre approximatif