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de modifications dont quelques unes seulement sont directement accessibles à nos sens. La notion du vide absolu, c’est-à-dire du non-être, répugne absolument à la raison, et l’on conçoit très aisément que les anciens en aient eu horreur. Les expériences de Torricelli et de Pascal l’ont fait pour un temps ranger au nombre des préjugés, mais cette croyance antique se retrouve aussi forte qu’autrefois, depuis que nous savons que le vide barométrique n’est pas un vide immatériel. Il y a des idées que l’esprit reçoit sans démonstration, à la lueur de leur propre évidence : si, comme le disait Hegel, tout ce qui est rationnel est réel, il faut croire de même que ce qui est irrationnel ne peut exister. Quand les découvertes de la science semblent infirmer une conception primitive et spontanée de la raison, ce n’est point la raison qui est en faute, mais la science, dont les découvertes sont ou incomplètes ou mal interprétées.

La façon dont nous sommes conduits à envisager la matière en ses transformations multiples devra peu à peu modifier nos idées fondamentales sur l’équilibre du monde et de ses diverses parties. L’astronome ne voit aujourd’hui dans les grands corps célestes que de simples masses : l’admirable formule de l’attraction universelle lui permet d’en calculer tous les mouvemens, et il ne se préoccupe point de rechercher l’origine même de cette attraction ; les rares esprits qui ont osé aborder cette question se sont égarés dans des rêveries cosmogoniques sans vraisemblance, sinon sans poésie. Les récentes découvertes de la physique nous font aujourd’hui pressentir que les rapports entre les diverses parties de l’univers sont nécessairement très multiples. Sans doute l’attraction universelle n’est que l’expression résumée d’une infinie variété d’effets : telle est l’admirable connexité des diverses forces naturelles qu’une formule simple et unique en traduit la parfaite solidarité.

Nous savons que la chaleur peut servir à déplacer des corps pesans ; ne pouvons-nous, avec quelque vraisemblance, supposer que la chaleur du soleil contribue pour quelque chose à entretenir le mouvement des planètes qui roulent perpétuellement autour de lui ? La force vive nécessaire pour les faire mouvoir dans leurs orbites pendant un an n’est qu’une fraction bien faible de celle qui serait disponible, si toute la chaleur que rayonne le soleil pendant une année entière était convertie en travail dynamique. La lumière peut évidemment, aussi bien que la chaleur, se métamorphoser en force motrice. Ne savons-nous pas qu’elle est nécessaire à la production de certaines combinaisons chimiques, qui sont accompagnées de fortes explosions, capables d’être opposées à des résistances très considérables ? Les nombreuses observations que les astronomes et les navigateurs de divers pays ont réunies depuis cinquante ans sur