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Bien des fois, contemplant la maison délaissée
Et le sombre jardin où Jean ne venait plus,
Son cœur s’était serré : sa paupière baissée
Avait laissé tomber des pleurs inaperçus;
Mais, le printemps d’après, voyant une hirondelle
A son nid familier rentrer à tire-d’aile,
Son cœur battit plus libre, et l’enfant murmura,
En pensant à Maurice : — À son tour, lui, comme elle,
Vers la maison natale un jour il reviendra.


IV.


Il revint. Des voisins penchés à leur fenêtre,
Au coin du carrefour, le virent apparaître.
Six ans s’étaient passés. Les luttes, le chagrin,
Les longs travaux du jour, les veilles énervantes
Que prodigue Paris aux natures ardentes,
Avaient flétri son front, jadis rose et serein ;
Mais l’humble étudiant revenait médecin.
Pensif, il secoua ses pieds blancs de poussière
Sur les degrés disjoints de l’escalier de pierre ;
D’un coup de son bâton il brisa sans pitié
La giroflée en fleur et les mauves rosées
Dont les brins obstruaient son vieux seuil oublié ;
Puis, soulevant la porte aux ferrures usées,
Il entra. Sous l’auvent de ce logis obscur,
Au voyageur lassé personne ne fit fête ;
Pas un gai compagnon, pas un chien, ami sûr,
Qui vers le maître accourt en relevant la tête,
Pas un petit grillon dans les fentes du mur…
Il retrouva sa chambre aussi nue, aussi blanche
Qu’au jour de son départ; au chevet de son lit.
Le crucifix dormait auprès du buis bénit,
Les livres reposaient sur leur étroite planche ;
Six ans dans ce réduit n’avaient rien pu changer.
Rien, si ce n’est le cœur de l’enfant, qui peut-être
Maintenant s’asseyait ainsi qu’un étranger
Sous ce toit qu’il semblait à peine reconnaître.

     Il ouvrit sa croisée. En poussant le volet
Il détacha du mur le nid d’une hirondelle
Qui depuis bien longtemps, à la saison nouvelle,
Vers ce coin chaque année en chantant revolait.