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nature, peut-il être condamné à décroître en liberté vis-à-vis de l’homme ? Question insolente que posent à notre époque les contre-sens de l’organisation politique d’une partie de l’Europe, mais qui ne saurait troubler longtemps la sécurité de ceux qui ont compris les grands aspects de notre siècle, et que nous posons nous-mêmes avec confiance au lendemain du jour où a été fixé le câble transatlantique.

Sans doute, la vie politique de tous les jours est loin, en ce moment, de présenter à l’observateur des sujets de satisfaction et de légitime orgueil comparables aux prodiges réalisés par l’esprit d’entreprise dans la sphère de l’industrie. Les lueurs et les ombres s’y entremêlent dans un mouvement de perpétuelle vacillation. Les ténèbres de la réaction provoquée par l’intempestive révolution de 1848 dominent encore ; pourtant, à qui sait bien voir, il est aisé de démêler plus d’un signe qui annonce le retour vers le salutaire équilibre recherché par les sociétés modernes. En France, par exemple, un certain réveil de l’opinion est visible depuis quelque temps : le gouvernement et quelques-uns des hommes qui peuvent être considérés comme ses organes les plus éminens paraissent se préoccuper de cette timide renaissance de l’esprit public, et la secondent, nous n’hésitons point à le reconnaître, en essayant d’en deviner les tendances et d’y répondre. Nous croyons pouvoir attribuer à ce courant d’idées le discours que M. de Persigny vient de prononcer devant le conseil-général de la Loire. De même, c’est une intelligente docilité envers le bon sens public qui a inspiré au ministre de l’intérieur, M. Delangle, les explications satisfaisantes de sa circulaire sur la question, si mal engagée par son prédécesseur, de la conversion des biens des hospices. Si nous sortons de France, sans dépasser le cercle de l’influence française, nous voyons se conclure des arrangemens qui ne sont point le terme, qui sont au contraire le point de départ d’une politique progressive. Nous rangeons dans les combinaisons de cet ordre le règlement des principautés roumaines terminé par la conférence de Paris, règlement qui va permettre à un des élémens chrétiens les plus importans de l’empire ottoman de manifester sa vitalité ; nous y plaçons surtout l’ouverture que nous venons de pratiquer sur la Chine.

Le reste du continent européen marche peut-être d’un pas plus lent encore que le nôtre, et cependant, cela est incontestable, il marche. La maladie du roi de Prusse, en rendant nécessaire l’organisation régulière d’une régence, va faire passer le gouvernement de ce pays en des mains favorables au libéralisme, et fixera dans une voie droite la politique prussienne, si flottante pendant ces dernières années. La politique autrichienne, éternellement condamnée aux tours de force, est loin de s’endormir. Elle sent que c’est au cœur de ses intérêts que se concentrerait la lutte au premier déchirement européen. Pleine de convoitise du côté des provinces chrétiennes du nord de la Turquie, elle est assiégée dans ses provinces italiennes par les aspirations bien autrement légitimes d’une nationalité que d’incessans malheurs ne peuvent éteindre. Ne la voit-on pas se préparer à d’inévitables conflits avec une activité prévoyante et infatigable ? Elle réorganise ses ressources financières en pactisant habilement avec l’esprit industriel de l’époque. Impuissante à résoudre par la force morale les questions de nationalité qui la rongent, elle perfectionne, au moyen des chemins de fer, la géographie de