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ou quatre ministères se sont succédé, et ont été en peu de temps également impossibles. C’est parce que le parti modéré pur n’a pas su se reconstituer, et parce que les progressistes exclusifs effraient justement le pays, que le général O’Donnell est redevenu l’homme d’une situation. Cette situation d’ailleurs est difficile. Compromis avec de notables fractions du parti conservateur, peu porté sans doute, d’un autre côté, à s’allier exclusivement aux progressistes, le comte de Lucena se trouve entre deux écueils avec cette pensée d’union libérale dont il a fait son drapeau, et qui ne s’est traduite jusqu’ici qu’en une impartiale distribution d’emplois à des hommes de toutes les couleurs politiques. Les emplois ont été acceptés, ou à peu près; il s’agit maintenant de savoir ce que sera la politique elle-même du nouveau cabinet. Sous ce rapport, les élections prochaines vont être une grave épreuve pour le ministère et pour les partis, mis en demeure d’achever de se dissoudre ou de se recomposer dans des conditions nouvelles.

Il y a peu de temps, un honnête Espagnol de Vigo publiait un avis annonçant qu’il venait de découvrir une recette infaillible pour la pacification du Mexique, et il offrait à tous les représentans de la république américaine en Europe de se mettre en rapport avec eux pour leur dévoiler son secret. La découverte était opportune, elle ressemblait presque à une ironie. Depuis plus de six mois, le Mexique, ce malheureux pays, qui pourrait être un florissant empire, est dans une recrudescence d’anarchie et de guerre civile. Cette crise nouvelle date du jour où le président Comonfort, après avoir été porté au pouvoir par une révolution, a voulu faire un coup d’état pour supprimer une constitution chimérique et un congrès de démagogues. M. Comonfort prenait évidemment un rôle au-dessus de sa taille. Homme à la fois rusé et indécis, sans idées et sans prestige, il ne savait pas même se servir de la dictature qu’il venait de se faire décerner par l’armée. La conséquence était claire : l’armée se tournait aussitôt contre lui; il était obligé de s’enfuir aux États-Unis avec sa dictature éphémère, et à sa place restait le chef militaire qui l’avait secondé dans son coup d’état, le général don Félix Zuloaga, celui-là même qui a exercé le pouvoir dans ces derniers temps à Mexico. Or c’est ici que se déclare dans toute son intensité cette crise de décomposition dont le Mexique offre le spectacle. Tandis que le général Zuloaga s’établissait à Mexico et organisait une administration, l’anarchie éclatait partout. Le vice-président de la république, M. Juarez, qui s’était déjà prononcé contre le coup d’état de M. Comonfort, se prononçait plus vivement encore contre Zuloaga. Il instituait à Guanajuato une sorte de gouvernement au nom de la constitution et dans l’intérêt du parti démocratique; il formait même un ministère, fort peu occupé pour le moment, il est vrai, et il attirait à lui des généraux, des gouverneurs de provinces. Parmi les états, quelques-uns se ralliaient au mouvement accompli à Mexico, d’autres se prononçaient pour la ligue constitutionnelle de Juarez, ou se retranchaient dans leur indépendance. Le vieil Indien du sud, le général Alvarez, reprenait les armes. En un mot, c’était une confusion universelle. Zuloaga d’abord a paru faire face à l’orage et a réussi à vivre. Reconnu par le corps diplomatique, appuyé par le parti conservateur, il s’est donné l’apparence d’un pouvoir

régulier. Il s’est rattaché le clergé en abolissant les lois qui ordonnaient la