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vaient guère plus d’efficacité ni moins de fondement. Les minorités dissidentes ont pu se croire plus libres sous tel régime que sous tel autre; mais si le fait variait, le droit restait le même, et leur état légal les a toujours mises sous la main de l’administration, qui en tout temps put à son gré les relâcher ou les contenir. Si cependant elles ont cru remarquer quelque inégalité dans cette contrainte, c’est que la main du pouvoir est tantôt lourde, tantôt légère: c’est aussi que leur propre activité n’est pas toujours la même, et, suivant qu’elles s’arrêtent ou qu’elles se meuvent, le frein leur devient inégalement sensible.

Si nos pratiques étaient d’accord avec nos théories les plus familières, notre pays devrait être la terre promise de la liberté religieuse. C’est une vérité devenue vulgaire parmi nous que l’état n’est point compétent pour connaître des matières surnaturelles, que le discernement religieux lui est refusé, qu’il ne lui est point donné d’apprécier la valeur relative des cultes, et de leur assigner des rangs selon leurs mérites. L’inévidence des religions positives, voilà le principal fondement, universellement accepté parmi nous, de la liberté religieuse. Aussi ceux qui condamnent cette liberté ont-ils pour argument favori le caractère particulier d’évidence qu’ils attribuent à leur religion, et ils en déduisent pour l’état l’étroite obligation de la distinguer à ce titre de toutes les autres et de lui assurer exclusivement l’empire des âmes. On a ingénieusement remarqué que l’intolérance religieuse du peuple juif était justifiée par la présence perpétuelle de Dieu, qui lui révélait directement ses volontés et qui intervenait en personne dans ses affaires. Tant que les peuples modernes ont été fermement convaincus qu’ils avaient à leur portée une source incontestable de la vérité religieuse, aussi longtemps qu’ils ont pu voir dans le saint-siège une représentation fidèle de l’intelligence et de la volonté divines, on ne peut s’étonner de leur intolérance. Elle devait s’affaiblir et disparaître à mesure que les grandes divisions de l’église et les progrès de la libre pensée répandaient dans le monde cette idée, que l’évidence de la religion n’est point telle qu’on soit nécessairement coupable en refusant de s’y rendre, qu’on peut choisir entre diverses confessions religieuses sans encourir le reproche de mauvaise foi, sans devenir par là même un méchant homme ou un mauvais citoyen. L’état, ainsi dépouillé de ce sens religieux, qui lui était généralement conféré au nom de l’évidence d’une religion particulière, se trouva naturellement affranchi du devoir étroit de se décider pour la meilleure religion et de la faire prévaloir à l’aide de son autorité. La tolérance entrait donc dans le droit public, mais elle y amenait forcément à sa suite la liberté comme l’égalité des cultes devant la loi; il y a plus, la séparation