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lui a survécu à travers les phases les plus diverses, et que sa main est restée comme étendue sur nous après sa chute.

Si donc, « comme il faut un code de lois pour régler les intérêts, il faut un dépôt de doctrines pour fixer les opinions, » où l’état ira-t-il chercher ce dépôt de doctrines? Portalis expose avec la même franchise les motifs qui ont engagé le gouvernement à traiter avec le chef de la religion catholique. Valait-il mieux faire un patriarche? Non, car c’eût été un trop grand personnage. « S’il est ambitieux, il peut devenir conspirateur, il a le moyen d’agiter les esprits, etc.. Les gouvernemens des nations catholiques se sont rarement accommodés de l’autorité et de la présence d’un patriarche ou d’un premier pontife national; ils préfèrent l’autorité d’un chef éloigné dont la voix ne retentit que faiblement, et qui a le plus grand intérêt à conserver des égards et des ménagemens pour des puissances dont l’alliance et la protection lui sont nécessaires. » Donc point de patriarche. Mariera-t-on les prêtres? Non, parce que « le peuple aime dans les règlemens qui tiennent aux mœurs des ecclésiastiques tout ce qui porte le caractère de la sévérité ; le célibat des prêtres ne pourrait devenir inquiétant pour la politique que s’ils devenaient trop nombreux... Ce danger est écarté par nos lois. » Enfin c’est en vain qu’on voudrait alarmer la France par la crainte des entreprises de la cour de Rome. « Le pape avait autrefois dans les ordres religieux une milice qui lui prêtait obéissance, qui avait écrasé les vrais pasteurs, et qui était toujours disposée à propager les doctrines ultramontaines. Nos lois ont licencié cette milice... Nous n’aurons plus qu’un clergé séculier, c’est-à-dire des évêques et des prêtres toujours intéressés à défendre nos maximes comme leur propre liberté, puisque leur liberté, — c’est-à-dire les droits de l’épiscopat et du sacerdoce, — ne peut être garantie que par ces maximes. » L’abolition des ordres religieux et la ferme adhésion du clergé séculier aux maximes gallicanes, voilà les barrières indestructibles qui rassuraient le gouvernement de cette époque contre l’influence de la cour de Rome.

Une fois qu’il est bien établi que l’intérêt de l’état et non pas le droit des citoyens est le fondement de l’existence légale des cultes, que si l’état a la condescendance de ne point faire un patriarche et de ne point marier les prêtres, c’est parce qu’il voit dans ces changemens plus d’inconvéniens que d’avantages, il s’ensuit nécessairement que l’état a le droit de maintenir perpétuellement la religion telle qu’il l’a une fois comprise et acceptée, et d’empêcher qu’on altère sans son aveu ces croyances et cette discipline qui ont fait l’objet du contrat passé entre l’église et lui. Rien n’est donc plus naturel que de le voir désigner les évêques, contrôler leur enseignement et