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clarent le parquet et l’administration si mal informés en France, qu’ils seraient hors d’état de signaler à la justice les délits commis dans l’exercice ou dans la prédication des cultes affranchis, ou qui craignent encore que la justice ne se montre trop molle ou trop impuissante pour les réprimer avec efficacité. Il en est enfin qui depuis quelques années, comme chacun sait, ont profondément médité sur le génie divers des nations et sur les lois variées qui leur conviennent. Ces docteurs ont fait les découvertes les plus inattendues sur notre misérable nature : jadis ils ne nous trouvaient pas assez libres, ils établissent savamment ; aujourd’hui que nous sommes faits pour le régime préventif, comme le cheval pour la selle, et aussi incapables de vivre en liberté que le poisson hors de l’eau. Mais alors pourquoi en être si fiers, et pourquoi nous contraindre à nous en réjouir ? pourquoi joindre à une confession aussi triste une gaieté aussi intolérable et une telle admiration de soi-même ? pourquoi répéter tout le long du jour et prétendre nous forcer à chanter tous en chœur que « dans ce meilleur des mondes possible, le château de monseigneur le baron est le plus beau des châteaux, et madame la meilleure des baronnes possible ? » Cela n’est pas vrai ; soyez persuadé que cela n’est pas vrai, et que le sot contentement dans lequel nous jettent les flatteries de Pangloss nous rendra quelque jour la risée du monde.


PREVOST-PARADOL.