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vaient reposer à l’avenir sur la base d’engagemens librement consentis de part et d’autre, mais d’une teneur conforme aux lois qui en définissaient les conditions essentielles. Afin d’éviter toute confusion et tout désordre, on établit une période de réforme préliminaire dont la durée fut fixée à quatorze ans. Les dispositions admises furent divisées en deux classes : les unes transitoires, les autres définitives. Celles-ci étaient appelées à fonctionner graduellement; elles devaient être toutes mises en vigueur au bout de la période transitoire. — La première année de celle-ci fut consacrée à l’organisation des communes rurales et des institutions administratives et judiciaires, qui commencèrent à fonctionner la deuxième année. Dans le courant de la troisième, on divisa la population en catégories, successivement appelées à passer de l’état de servitude à l’état de liberté complète. Chacune des trois catégories qui constituent cette population, les fermiers, les valets de ferme et les domestiques attachés à la personne du maître, fut subdivisée en huit sections numériquement égales. Chaque année vit passer une des sections de chaque catégorie à l’état de liberté. L’émancipation commencée dans la quatrième année de l’époque de transition s’achevait par conséquent dans la douzième. Les droits accordés augmentaient successivement, et c’est seulement au bout des quatorze années accomplies que les sections émancipées les dernières entraient dans le plein exercice des droits garantis par le statut. Le fermier devenu libre doit prendre une ferme pour trois ans. Au bout de ce temps, il ne peut encore conclure de bail plus long, à moins que ce ne soit avec son ancien maître; mais toute restriction cesse pour lui au bout de six années. Quant à l’ouvrier (valet de ferme), il ne peut durant la première année ni quitter la commune, ni se louer à un prix supérieur à celui que détermine l’usage. Pendant les deux années suivantes, il peut débattre le prix du travail, mais sans sortir de la commune. Ensuite l’ouvrier libéré peut bien passer dans une autre localité, mais il lui faut obtenir le consentement des deux communes et des deux propriétaires. Ces précautions méticuleuses prouvent que l’on profitait largement du conseil du poète : Hâtez-vous lentement !

Les paysans esthoniens forment une classe spéciale de citoyens libres, réunis en communes qui s’administrent elles-mêmes, sous la surveillance et avec le concours du propriétaire foncier. Le sol appartient au seigneur, et comme le domaine constitue une sorte d’unité administrative, il en résulte que des droits et des devoirs sont conférés ou imposés au maître du sol, qui est en quelque sorte l’âme de tout l’organisme communal. Les communes choisissent des chefs ou délégués; ceux-ci siègent dans le tribunal communal.