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REVUE. — CHRONIQUE.

Il y a toujours une suavité touchante dans la sincérité de l’accent religieux, de quelque communion chrétienne que sorte l’orateur, qu’il s’appelle Bossuet ou Channing. Ce n’est pas seulement cette effusion pénétrante de l’âme qui nous a charmés dans le discours de M. Captier. Le prieur du collége d’Oullins a élevé l’esprit de ses auditeurs à la conception la plus consolante et la plus haute que puisse inspirer le développement des sciences positives à l’époque où nous sommes. Il a associé avec éloquence la fin sociale du mouvement industriel de ce temps aux inspirations de la charité. L’assujettissement des lois de la nature à la pensée et à la volonté de l’homme est, suivant lui, le prix de cette première loi chrétienne qui, en nous commandant d’aimer dans les autres hommes des égaux et des frères, a été pour le travail scientifique un stimulant inconnu des nations païennes : cette puissance sur la nature appliquée par l’industrie crée la richesse et promet aux masses « ce soulagement du corps, ce bien-être modeste, sans lequel les vertus populaires ne seront jamais possibles. » La conquête de la matière opérée par le travail, délivrant l’homme des servitudes de la misère, et le rendant progressivement plus libre, par conséquent capable d’une plus haute perfection morale, voilà le plan divin dans lequel M. Captier signale le merveilleux de ce siècle. Ce point de vue est le seul qui puisse expliquer philosophiquement et religieusement la vocation scientifique et industrielle de notre époque. C’est la première fois que nous le voyons exposé avec une si intelligente sympathie par un écrivain catholique. Nous ne pouvons malheureusement que signaler la portée du discours de M. Captier : nous voudrions qu’il reçût une publicité étendue. Nous n’avions pas été heureux jusqu’à ce jour avec les discours de distributions des prix ; en nous envoyant le sien, M. Captier nous a dédommagés des petits ennuis qui nous ont été suscités à propos de harangues qu’on voulait nous faire admirer de force, quoiqu’elles ne fussent point admirables, et nous l’en remercions sincèrement.

La session des conseils-généraux, inaugurée avec éclat par le discours de M. de Persigny, n’a point tenu ce que ce début promettait. — En traitant devant son conseil-général les questions les plus vastes à la fois et les plus délicates de la politique, M. de Persigny a donné un exemple et créé un précédent dont les conseils-généraux feraient bien, à notre avis, de profiter à l’avenir. Il faut croire qu’ils n’étaient point préparés à cette extension de leurs attributions, qui leur a été si heureusement, mais si brusquement révélée. Ils se sont donc renfermés dans le cercle habituel des questions locales. Une seule question, celle de la réforme de nos tarifs de douanes et de la liberté commerciale, surnage sur le fond de leurs discussions. Cet important intérêt de la liberté du commerce a rencontré dans les divers départemens ses adversaires et ses partisans accoutumés et bien connus. L’honneur de l’initiative la plus éclatante en cette matière appartient au conseil-général de l’Hérault, présidé par notre collaborateur M. Michel Chevalier. Les vœux rédigés par l’illustre et persévérant économiste sont le sommaire, condensé avec une remarquable puissance, des conclusions dictées sur la question du commerce libre par le bon sens et l’observation des faits économiques. Il est curieux de comparer ces morceaux substantiels que M. Michel Chevalier trouve le moyen de varier chaque année dans la forme, en y