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jeure partie de cette valetaille étrangère, et il faut tâcher de les prendre tous en flagrant délit. Alors je vous réponds que la magistrature osera sévir contre le seigneur, réduit à invoquer en vain l’assistance de ses paysans. Si nous ne procédons pas ainsi, soyez sûr que c’est nous qui perdrons la partie. Tout le monde aura peur, le baron trouvera moyen de désavouer la responsabilité de l’événement, ou de nous faire enlever les prisonniers. Vous passerez pour un assassin, et nous passerons pour des visionnaires, ou tout au moins pour de jeunes officiers sans expérience, prenant parti pour le coupable et arrêtant les honnêtes gens, car vous pouvez bien compter que les deux bravi que nous tenons sont bien stylés. Je vais les interroger, et vous verrez qu’ils sauront arranger leur affaire. Je parie bien que la leçon leur est faite on ne peut mieux.

En effet, les deux bandits répondirent avec impudence qu’ils étaient venus, par l’ordre du majordome, avertir l’homme aux marionnettes, qui était en retard pour la représentation, que celui-ci, en voyant parmi eux un de ses anciens camarades, à qui il en voulait, s’était élancé à sa poursuite, et l’avait tué. Il avait ensuite injurié et provoqué les autres, et celui qui avait blessé Christian jura qu’il l’avait blessé par mégarde en voulant s’emparer d’un furieux, — tellement furieux, ajoutait-il, qu’il m’a enfoncé la poitrine et que je crache le sang !

— Vous verrez, dit Christian au major, que c’est moi qui ai manqué d’égards envers monsieur en ne me laissant pas assassiner !

— Et vous verrez, répondit Larrson, que les assassins se sauveront de la corde ! Nos lois n’appliquent la peine capitale qu’aux criminels qui avouent. Ceux-ci le savent bien, et, quelque absurde que soit leur défense, ils s’y tiendront. Votre cause sera peut-être moins bonne que la leur. Voilà pourquoi, de notre côté, nous tiendrons ferme pour vous et auprès de vous, Christian, n’en doutez pas.

— Oh ! la cause de Christian est très bonne ! dit M. Goefle, qui était venu écouter l’interrogatoire, et qui ramenait ses hôtes vers ce qu’il appelait son manoir de l’ourse. Nous aurons bien des armes contre le baron, si nous pouvons venir à bout de délivrer le vieux Stenson, qui a été emmené, bon gré mal gré, au château. Il faut, messieurs, que vous en trouviez le moyen avec nous.

— Quant à cela, monsieur Goefle, dit le major, il n’y faut pas songer. Le châtelain est justicier sur son domaine, et par conséquent dans sa propre maison. J’ignore ce que l’affaire de M. Stenson peut avoir de commun avec celle de Christian, mais mon avis n’est pas de compliquer celle-ci. Avant tout, je voudrais savoir si en effet Christian a trouvé dans le bât de son âne un gobelet d’or, que