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le baron avait ordonné de glisser là, comme autrefois Joseph voulant éprouver ses frères, mais, je suppose, dans des intentions beaucoup moins pacifiques.

— Ma foi, dit Christian, je n’en sais rien. Venez avec moi vous en assurer.

On se porta à l’écurie, où l’on trouva Puffo dans un coin, pâle et demandant grâce. On le fouilla ; le gobelet d’or était sur lui. Il se confessa à sa manière. Il avait vu, une heure auparavant, maître Johan apporter là cet objet précieux dans des intentions qu’il avait devinées, et, ne se croyant pas surveillé, il avait résolu de s’en emparer pour le reporter au château, disait-il, et empêcher que l’on n’accusât son maître d’un vol dont il était innocent ; mais, au moment où il allait fuir, il s’était trouvé enfermé dans l’écurie, dont la porte avait résisté à tous ses efforts, lorsqu’au bruit du combat il avait essayé d’aller porter secours à Christian. En raison de ces aveux fort suspects, le major fit lier maître Puffo comme les autres, et on le conduisit au gaard, où Péterson, requis de prêter main-forte, fut chargé de seconder le caporal dans le soin de garder les trois prisonniers. La coupe d’or fut portée en triomphe par M. Goefle sur la table de la salle de l’ourse.

Cependant Martina Akerström était accourue au-devant de son fiancé, sans la moindre crainte du « qu’en dira-t-on ? » et sans éprouver aucun embarras de la présence du major et du caporal. La bonne et candide personne ne se tourmentait plus que de deux choses : l’inquiétude que son absence devait commencer à inspirer à ses parens, et le manque de sucre pour offrir le thé « à ces pauvres messieurs qui devaient avoir si froid ! » Elle demandait à envoyer quelqu’un au château neuf pour rassurer les auteurs de ses jours et pour rapporter du sucre.

Quant au dernier point, Nils, que le mouvement fait autour de lui avait réveillé, et que la présence des officiers rassurait, put satisfaire la bonne Martina, vu qu’il savait très bien, et pour cause, où se trouvait la provision de sucre apportée par Ulphilas le matin ; mais, quant au premier, on manquait de courriers, et le major tenait d’ailleurs à enregistrer, séance tenante, la déposition de Martina avec celle du lieutenant Osburn, relativement aux paroles des bandits, entendues, deux heures auparavant, à l’entrée de la tour du château neuf. Comme pour lui tout le nœud de l’affaire était là, il se fit rendre un compte détaillé du fait, écrivant à mesure, et regrettant que le troisième témoin, la comtesse Marguerite, ne fût pas présente pour y apposer sa signature.

Marguerite était dans la chambre de garde, où Christian l’avait à la hâte priée de rentrer, pour qu’elle ne fut pas vue des jeunes