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entrées, dans le plus profond silence et en vous cachant bien. Fermez les portes du pavillon du gaard. Que les prisonniers soient toujours gardés à vue et menacés de mort s’ils disent un seul mot, mais que ce soit une simple menace ! Nous n’avons que trop d’un mort, qui nous sera peut-être bien reproché !…

XVIII.

Le brave et prudent major venait à peine de prendre ces dispositions qu’une ombre passa près de lui, au moment où il retournait à tâtons à la salle de l’ourse pour continuer son instruction, à laquelle manquait l’avis très important de M. Goefle sur tout ce qui s’était passé relativement à Christian. Cette ombre semblait incertaine, et le major se décida à la suivre jusqu’à ce que, rencontrant le mur du donjon, elle se mit à jurer d’une voix assez douce, que Christian, alors sur le seuil du vestibule, reconnut aussitôt pour celle d’Olof Bœtsoi, le fils du danneman.

— À qui en avez-vous, mon enfant ? lui dit-il en lui prenant le bras. Et comment se fait-il que vous veniez ici au lieu de retourner chez vous ?

— Entrez, entrez, dit à voix basse le major ; ne causez pas dans la cour.

Et ils entrèrent tous trois dans la salle de l’ourse.

— Ma foi, si vous ne vous étiez pas trouvé là, dit Olof à Christian, j’aurais cherché longtemps la porte. Je connais bien le dehors du Stollborg, j’y viendrais les yeux fermés ; mais le dedans, non ! je n’y étais jamais entré. Vous pensez bien que par ce temps maudit je ne pouvais pas retourner tout de suite dans la montagne. Enfin j’ai vu un peu d’éclaircie, et, après deux heures passées au bostœlle de M. le major, j’y ai laissé mon cheval, et me voilà parti à pied pour ne pas causer de crainte à mon père ; mais auparavant j’ai voulu vous rapporter un portefeuille que vous avez oublié dans le traîneau, herr Christian. Le voilà. Je ne l’ai pas ouvert. Ce que vous avez mis dedans y est comme vous l’avez laissé. Je n’ai voulu le confier à personne, car mon père m’a dit que les papiers, c’était quelquefois plus précieux que de l’argent.

En parlant ainsi, Olof remit à Christian un portefeuille de maroquin noir qu’il ne reconnut en aucune façon.

— C’est peut-être à vous ? dit-il au major. Dans les habits que vous m’aviez prêtés ? …

— Nullement, je ne connais pas l’objet, répondit Larrson.

— Alors c’est au lieutenant ?

— Oh ! non, certainement, dit Martina ; il n’a pas d’autres portefeuilles que ceux que je brode pour lui.