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propriété des emprunteurs, et à garantir aux prêteurs le paiement des intérêts et le remboursement de l’argent prête. Dans ce système le capitaliste ne se trouvait plus arrêté par les limites d’un intérêt fixe ; mais, en prenant à sa volonté les obligations émises au cours du marché libre de la Bourse, il déterminait seul, et d’après les fluctuations de l’offre et de la demande, le prix de l’argent qu’il échangeait contre un titre.

Toutefois, et avec une prudence qui honore l’administration du crédit foncier, on chercha dans des combinaisons subsidiaires, telles que l’autorisation accordée à la société, de faire certaines opérations de banque et d’ouvrir des comptes courans à intérêt, un moyen de soutenir par des avances accordées sur dépôt de titres le cours des obligations que le gouvernement, de son côté, comprenait dans le nombre des valeurs admises par la Banque de France à la faveur des prêts sur dépôt. Cette dernière modification, que M. le comte de Germiny annonça aux actionnaires du crédit foncier dans la réunion du 29 avril 1857, a déterminé d’une manière irrévocable le caractère de cet établissement. Fondé dans des vues plus généreuses que réalisables, tenu en dehors des affaires courantes, isolé par ses prétentions et ses promesses, aspirant à prêter à, un taux inférieur et à emprunter à moindre prix que ne le comportait la situation générale, et cela pour un terme infiniment long, le crédit foncier a dû céder à la puissance des faits, en un mot subir la loi du marché. Aujourd’hui il demeure soumis à toutes les fluctuations quotidiennes auxquelles il avait voulu échapper. Le propriétaire emprunteur qui reçoit des obligations et qui les vend à la Bourse avec une perte variable de jour en jour, ne trouvera plus devant lui qu’un prêteur habile à calculer le prix courant de toutes choses, au lieu d’un établissement jaloux de faciliter la libération du débiteur ; il deviendra un nouveau vassal de la spéculation. Soit ; mais n’est-ce point une nécessité que, pour participer au crédit, il faille en courir toutes les chances ? Il n’y a pas deux sortes de crédits dans un même pays et dans un même temps, toutes les valeurs doivent s’équilibrer entre elles et subir un niveau commun. D’ailleurs, en partageant le sort général, l’emprunteur du crédit foncier s’alimente au réservoir public ; il n’a pas à craindre, pourvu qu’il en paie le prix, de voir se tarir les sources auxquelles il peut être obligé de puiser, et si la nouvelle société n’a pas réalisé l’existence chimérique qu’elle avait rêvée tout d’abord, elle a obtenu un résultat pratique très notable : elle a rendu sa vie possible.

Peut-être serait-ce ici le lieu de parler des autres modifications introduites successivement dans les institutions du crédit foncier, de mentionner les réformes faites dans notre système hypothécaire, soit pour faciliter les demandes de prêt en débarrassant la constatation