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qu’on pût faire descendre les capitaux jusqu’aux petits cultivateurs.

C’est donc à la grande et à la moyenne propriété que le crédit foncier a prêté ses capitaux ; il les a prêtés à un taux souvent avantageux et relativement modéré, à l’aide de la dotation donnée par l’état et des combinaisons d’une administration intelligente. À ce point de vue, il a rendu de réels services ; en rendra-t-il de plus grands à l’avenir ? On le saura seulement lorsque les 200 millions de la première émission d’obligations avec lots et tirages, favorisées, on s’en souvient, par des avantages exceptionnels, auront été entièrement prêtés : comment le crédit foncier résoudra-t-il alors le problème de satisfaire à la fois l’intérêt contraire des prêteurs et des emprunteurs ? comment le fera-t-il, surtout en se réservant pour ses frais de gestion une part telle qu’il puisse rémunérer ses propres actionnaires ? Le moment n’est pas venu de discuter cette question. En attendant, la position des actionnaires est pour longtemps assurée par le bénéfice annuel qui résultera du prêt des 200 premiers millions ; mais pour suffire aux demandes d’emprunt, appelées à devenir, il faut l’espérer, de plus en plus nombreuses, la création d’obligations devra être aussi de plus en plus large. Or, le principe du prêt en papier étant maintenu, ce papier sera d’un placement facile, pourvu qu’il subisse la loi du marché des capitaux. Seulement, si le système des obligations avec lots et tirage est abandonné, comme tout l’annonce, il y a lieu de craindre que la perte sur la valeur nominale des nouveaux titres, privés des chances attrayantes d’une loterie, ne soit bien forte et ne décourage l’emprunteur. Peut-être alors la société sacrifiera-t-elle une part de ses droits d’administration pour rendre l’annuité à payer moins élevée, peut-être le gouvernement accordera-t-il de nouvelles subventions applicables à l’émission de ces futures séries d’obligations ; en tout cas, lorsque cette éventualité, encore assez éloignée, se présentera, on saura certainement y pourvoir. Grâce au concours du gouvernement et à l’initiative des directeurs du crédit foncier de France, il y a lieu d’espérer que le bénéfice des prêts à long terme, avec amortissement, deviendra de plus en plus notoire, que ce mode d’emprunt pénétrera davantage dans les habitudes du pays, et si la propriété foncière n’y trouve pas le remède de cette libération absolue qu’on avait espérée tout d’abord, et qui ne nous a paru ni nécessaire en général, ni possible, au moins pour la petite propriété, on arrivera néanmoins à une transformation de plus en plus large de la dette hypothécaire : service à coup sûr signalé et suffisant pour concilier au nouvel établissement la sympathie publique.


BAILLEUX DE MARIZY.