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billet ne pouvait s’appliquer à un voyageur qui reste volontairement dans cette voiture au-delà de la station marquée sur le billet. La cour d’appel a fait justice de ce système erroné, qui aurait pour conséquence directe d’encourager une indélicatesse, consistant à prendre un billet pour un point voisin du lieu du départ et à tenter de prolonger frauduleusement le parcours. L’intention bien certaine du législateur a été de protéger les compagnies contre tout acte de cette nature, qu’on ne peut laisser impuni. Il est bien entendu, du reste, qu’il n’y a aucune assimilation à établir entre un fait de cet ordre et l’erreur d’un voyageur qui, par exemple, à la suite d’un sommeil au moins imprudent lorsqu’il ne doit pas suivre le train jusqu’à complète destination, dépassé involontairement la station extrême marquée sur son billet. Le cas se présente très-fréquemment, surtout pendant la nuit, et les chefs de station ne manquent jamais, lorsqu’aucun soupçon de fraude n’atteint ce voyageur, déjà suffisamment puni de son oubli, de le renvoyer gratuitement à destination par le premier train en sens contraire ; mais, usant de leur droit, ils lui interdisent de sortir de la gare, et déjouent ainsi la fraude qui consisterait à tromper la bonne foi de la compagnie au moyen d’un semblable prétexte, pour passer quelque temps dans une ville avec un prix de parcours inférieur au prix exigible. Il est cependant arrivé qu’une compagnie de chemin de fer, imbue, paraît-il, d’idées moins libérales que celles que je viens d’indiquer, prétendait être en droit de forcer un voyageur, — monté par mégarde dans une voiture d’une classe supérieure à celle indiquée par le billet, reconnaissant son erreur au départ même et se disposant à descendre, — à payer un supplément de prix qui n’est réellement dû qu’en échange d’un transport effectué. L’administration a dû intervenir et rappeler à la compagnie qu’une semblable exigence, qui n’est légale que lorsque la constatation du parcours irrégulier a lieu à l’arrivée, transformait la perception supplémentaire en une véritable pénalité qui excède positivement les droits des compagnies.

Le seul moyen pour les concessionnaires de réprimer les actes de mauvaise foi dont le public les rend trop souvent victimes est la fréquence du contrôle des billets en route ; or ce contrôle est généralement mal accepté par les voyageurs. Il importe donc qu’ils sachent que leur mauvaise humeur, concevable en cas d’abus, surtout pendant les trajets de nuit, ne peut aller jusqu’au refus d’exhiber leurs billets, sans les constituer en état de contravention au règlement et sans les rendre passibles d’une amende que des magistrats sévères pourraient rendre très forte. À la sévérité près, car le tribunal n’avait voulu que donner une leçon au coupable et poser un principe qu’il faut regarder comme incontestable, un voyageur a appris à ses dépens que les compagnies ne font en pareille