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LA MUSIQUE
SUR LES BORDS DU RHIN





Que faire dans un gîte à moins que l’on n’y songe ?


a dit le bon et incomparable La Fontaine… Que faire surtout à Paris pendant les mois de chaleur caniculaire que nous venons de traverser ? Les théâtres sont morts, les artistes se reposent des fatigues de l’hiver, et la société élégante se disperse dans tous les coins de l’Europe ; tout le monde voyage jusqu’aux vieilles symphonies, qui vont chercher aux eaux un remède à des maux incurables. Ce ne sont pas les dix ou douze opéras-comiques nouveaux qu’on a fait défiler comme des ombres chinoises, ni le ballet de Sacountala, dernier soupir de l’école de la fantaisie, qui peuvent dédommager un pauvre critique dans l’exercice de ses pénibles fonctions. Puisque le Rhin est à nos portes, et que, grâce à l’esprit humain, plus puissant que Louis XIV, il n’y a plus de Pyrénées ni de frontières infranchissables, allons nous assurer, si la musique qu’on fait là-bas, dans ce pays de Bade et lieux circonvoisins dont on raconte tant de merveilles, vaut un peu mieux que celle qu’on entend à Paris. Ce raisonnement fait, je me suis confié à un train de grande vitesse, et j’ai franchi le Rhin, que j’ai parcouru de haut en bas. Je prends la liberté, monsieur, de vous transmettre le récit véridique de mes impressions.

Et d’abord j’épargnerai aux lecteurs de la Revue les dithyrambes que je pourrais faire en l’honneur des locomotives et des voies ferrées. « A quoi bon louer Hercule ? » dit un proverbe grec. L’homme d’ailleurs n’est jamais content : possédant le bien, il veut le mieux et aspire à l’impossible. C’est la marque de sa misère, pensent quelques casuistes moroses ; c’est le signe de