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gouvernement qui puisse concilier les intérêts en apparence les plus contraires ? La diplomatie a eu la main également heureuse dans les traités que la France et l’Angleterre viennent de conclure avec la Chine. Nous devons supposer que le traité français contient les mêmes dispositions que le traité anglais, dont les journaux de Londres ont publié une analyse officielle. Si ce traité est exécuté, la Chine est ouverte au commerce européen et à la curiosité entreprenante des peuples civilisés. Tout a été prévu, toutes les précautions ont été prises contre les ruses de la finesse chinoise. Reste l’application ; quelle que soit la netteté des dispositions du traité, il est à craindre, même en admettant la sincérité de l’empereur de Chine, que l’autorité de son gouvernement soit insuffisante pour assurer le respect des droits qu’il nous a concédés sur toute la face de son vaste empire. Les Européens seront souvent encore sans doute obligés de recourir à la force pour imposer aux Chinois l’exécution du traité. L’avantage obtenu n’en est pas moins immense, et cette première trouée sur la Chine est un heureux début qui fait le plus grand honneur aux plénipotentiaires de l’Angleterre et de la France.

Il y a trois mois maintenant que le ministère présidé par le général O’Donnell s’est formé à Madrid, et les questions qu’a fait naître cette subite évolution sont encore fort loin d’être éclaircies. La politique a paru sommeiller pendant quelque temps au-delà des Pyrénées. La reine voyageait dans les Asturies, et aux lieux mêmes où se réfugiait autrefois la nationalité espagnole, à Covadonga, elle a fondé un nouvel ordre de chevalerie. Le président du conseil et d’autres ministres accompagnaient la reine. La politique à Madrid passait tout entière dans les polémiques de la presse. On attendait la fin du voyage des Asturies. Que cette excursion ait eu ses petits épisodes et ait vu s’ourdir bien des menées contraires qui ne devaient pas peu contribuer à entretenir quelque incertitude, cela n’est point douteux. Toujours est-il que la rentrée de la famille royale à Madrid ou à l’Escurial vient d’être signalée par un acte décisif : c’est la dissolution du congrès. L’Espagne entre dès ce moment dans une période d’agitation électorale. Le scrutin s’ouvrira à la fin de ce mois, et le parlement est convoqué pour le 1er décembre.

Cette dissolution du congrès n’avait rien d’imprévu : elle était en quelque sorte une nécessité de la situation générale de l’Espagne après l’expérience faite par les divers ministères qui se sont succédé depuis deux ans ; elle était dès le premier instant dans le programme du nouveau cabinet qui est encore au pouvoir. Le décret qui ordonnait la révision des listes électorales l’annonçait d’une façon assez claire. Il restait toujours à savoir dans quel esprit le cabinet actuel de Madrid procéderait au renouvellement de la chambre élective. Nous ne disons pas que la question se trouve entièrement résolue aujourd’hui, d’autant plus qu’en Espagne et même ailleurs la pratique diffère fort souvent de la théorie. Il est du moins vrai que le cabinet a fait une profession de foi assez explicite. Le ministre de l’intérieur, M. Posada Herrera, vient d’adresser à l’occasion des élections, à tous les gouverneurs des provinces, une circulaire qui résume la pensée du gouvernement. Or le programme que M. Posada Herrera donne pour guide aux gouverneurs des provinces ne s’éloigne nullement des principes conservateurs ; mais ces déclarations formelles, en donnant un caractère plus net à la politique actuelle de l’Espagne, ne changeront-elles pas jusqu’à un certain point la situation du