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de chefs élus pour chacune de ses grandes fractions ; par un traité signé le 18 juin 1858, elle s’est mise sous la protection de la France. Le commerce entre cette province et la colonie française se fera désormais sans aucun tribut, coutume ou cadeau, de quelque nature et sous quelque forme que ce soit : c’est un germe de libre échange qui éclôt d’une manière tout à fait imprévue au soleil du Sénégal. Grâce à toutes ces heureuses négociations, la pacification du pays a paru assez solide pour faire rétablir la pleine liberté du commerce des armes et des munitions de guerre, interdit depuis quatre années, ainsi que la libre navigation du fleuve.

Il convient maintenant de comparer la situation actuelle au programme tracé dès 1844 par M. le gouverneur Ed. Bouet dans une dépêche adressée au ministre de la marine et des colonies. Ainsi se révélera clairement l’idée supérieure qui est au fond de la tradition locale et qui fait la force de toute politique, surtout dans les colonies françaises. En 1844, le gouverneur demandait au ministre d’adopter en principe les règles suivantes : aucune bande de Maures ne serait tolérée en expédition de pillage sur la rive gauche ; le Oualo serait placé sous notre souveraineté directe et divisé en quatre cantons, auxquels seraient reliés le territoire de Gandiole et ses salines. Les coutumes seraient réduites progressivement et supprimées le plus tôt possible ; ce qui en resterait se réglerait sur les transactions réelles et non sur le tonnage des embarcations. On travaillerait à démembrer le Fouta, et toute atteinte à notre paisible possession serait sévèrement châtiée. M. Bouet voulait enfin, en appréciateur intelligent des ressources et de l’avenir de la colonie, que l’agriculture et l’élève du bétail fussent encouragés dans le Oualo, appelé à devenir l’asile de tous les sujets et serviteurs maltraités par leurs maîtres. Ces vœux, qui n’étaient pas même alors des espérances, sont aujourd’hui devenus à peu près tous des réalités. Les Maures ont été chassés de la rive gauche. Le Oualo est une province française protégée par des forts, engagée dans l’industrie agricole, ouverte à tous les réfugiés. Le Dimar s’est détaché du Fouta et placé sous notre protection. Les coutumes du gouvernement, hommages de souverain à souverain, sont partout supprimées ; celles du commerce sont notablement réduites, transformées et proportionnelles à la quantité des marchandises. Les escales sont supprimées aussi. Deux établissemens dominent comme forts et prospèrent comme comptoirs : l’un dans le Oualo, celui de Dagana ; l’autre dans le Fouta, celui de Podor. Autour de ces postes, des concessions ont été accordées pour fonder des maisons de commerce et tenter la fabrication de l’indigo. On peut toute l’année acheter la gomme et les autres produits dans nos établissemens du