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en grand nombre sur les deux rives du Sénégal ; les sangsues, qui commencent à être appréciées en France ; la cire jaune, que les abeilles sauvages déposent dans des ruches suspendues aux branches ou cachées dans les troncs des arbres ; le morfil ou dents d’éléphans, animaux autrefois communs dans le Bas-Sénégal, aujourd’hui réfugiés dans les forêts du haut pays ; les plumes d’autruche d’un blanc parfait, mais d’une qualité médiocre ; les bois propres à la construction navale et à l’ébénisterie, que fournissent entre autres le gonatier et le caïlcédra, celui-ci assez rare, le premier très commun. La gutta-percha commence à figurer sur les registres des douanes. Une simple mention doit suffire ici à ces divers produits, dont le rôle commercial paraît condamné pour longtemps encore et pour toujours peut-être à des proportions modestes. Il en est autrement du coton, de l’indigo, des bœufs, et surtout de l’or.

Le cotonnier croit spontanément dans tout le bassin du Sénégal, où il est l’objet de la part des natifs d’une grossière culture, dont les récoltes suffisent à leurs besoins. Les femmes en ramassent seulement la quantité nécessaire à chaque famille, la cardent, la filent. Un tisserand dans chaque village en fait des étoffes qu’il teint. Ces tissus, nommés pagnes, tantôt unis, tantôt bariolés de diverses couleurs, composent, à peu près tout le vêtement des hommes et des femmes. Ils ont pris la place de la laine, matière plus hygiénique, mais qui manque au Sénégal, les moutons du pays, par un effet bien connu des climats chauds, n’ayant qu’un poil soyeux et court. Les échantillons de coton introduits en France à diverses reprises n’ont pas été appréciés avec faveur par les manufacturiers, et, suivant l’usage, on a accusé le climat, la pluie, le vent. Très probablement on ne doit accuser que le défaut de soins tant dans le triage de la graine que dans la conduite des cultures et le classement des brins : la négligence des habitans est telle que souvent ils recueillent les filamens à terre, souillés de sable et de boue.

Comme le cotonnier, l’indigofère croît spontanément en tout lieu, en tout temps ; il se passe d’irrigations et de soins, résiste à tous les fléaux, et peut donner trois récoltes par an pendant plusieurs années. Les noirs, quoique inhabiles à la manipulation, en tirent des teintures du plus bel éclat et d’une nuance très solide : c’est la couleur dont presque tous les pagnes sont teints, ce qui fait dominer le bleu dans les vêtemens sous un soleil dont les rayons ardens sembleraient appeler l’emploi de la couleur blanche, réservée pour le deuil. Les pains d’indigo du Sénégal, dont la pâte est formée des débris de plantes indigofères qui les colorent en vert-bleuâtre, ne donneraient pas de la matière elle-même, une idée avantageuse, si l’analyse n’en révélait les qualités, en tout point comparables à celles des plus belles sortes, du Bengale. Tandis que la culture demande