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mieux encore, introduire partout la vente des terres à bon marché : voilà bien à peu près ce que réclament la colonisation et le commerce à l’intérieur. Le commerce extérieur demande en outre l’emploi des moyens les plus héroïques dont disposent la science et l’industrie pour maîtriser la barre du Sénégal, ou, si la tâche est impossible, pour, en amoindrir les dangers. Un navire remorqueur établi en 1858 a déjà rendu des services. La chambre du commerce de Bordeaux a proposé l’établissement de navires dragueurs qui seraient en permanence occupés à creuser cette terrible barre. Si l’homme sur ce point ne peut vaincre la nature, il y aurait à reprendre l’idée, éclose au Sénégal, d’un chemin de fer qui relierait l’île de Sor, en face de Saint-Louis, à Dakar, en face de Gorée, dont le mouillage est aussi abordable que celui de Saint-Louis est périlleux, chemin de fer qui deviendrait l’axe de l’unité sénégambienne, embrassant à la fois Gorée et Saint-Louis avec leurs dépendances territoriales. Cette dernière ville, qui est déjà la plus belle de la côte occidentale d’Afrique, n’a plus guère à demander que des améliorations d’un caractère municipal, des ponts, des quais, divers édifices administratifs, des constructions moins sujettes à l’incendie, toutes choses qui se font de jour en jour ; aussi la politique doit-elle reporter ses vues sur Podor, future capitale de l’intérieur, — le Lyon du Marseille sénégalais, s’il est permis de comparer les très petites choses aux grandes, — pour en faire un entrepôt de marchandises européennes qui sera toujours en communication avec Saint-Louis, car le fleuve est navigable en toute saison, pour les bâtimens ne calant pas plus de huit pieds d’eau, jusqu’à quatre-vingt-dix lieues de son embouchure. Des voyages, multipliés suivant les besoins, recevraient et distribueraient les cargaisons à droite et à gauche, dans toute la profondeur du pays. Ainsi se réduiraient les frais généraux, qui sont écrasans quand ils grèvent une opération unique pour l’année entière. Tel est aujourd’hui l’obstacle le plus sérieux à la propagation de l’arachide dans la région de Bakel : plus encombrante et moins chère que la gomme, cette graine ne peut payer un fret élevé.

Dans un autre ordre d’idées, le régime douanier de la colonie appelle de larges et libérales réformes. Nous ne les discuterons pas à propos du Sénégal, dont l’intérêt est moindre que celui d’autres colonies, qui nous fourniront une occasion plus opportune ; mais nous rappellerons que dans ces mêmes parages, à Gorée, où la franchise du port provoquera concurrence de tous les pavillons, le pavillon français conserve une manifeste supériorité, de sorte que, sans rien enlever à la marine nationale, la petite colonie, auparavant perdue dans l’isolement et abandonnée de l’étranger, s’est enrichie de nombreuses et importantes relations extérieures. Une