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système de douanes, se rendre compte des conditions générales, des traditions, des préjugés au milieu desquels est préparée cette législation. Or il ne faut pas perdre de vue que l’une des ordonnances de 1843, celle qui réglait le traitement des produits algériens au moment de l’introduction en France, devait être soumise à la sanction des chambres, et l’on se souvient de la recrudescence protectioniste qui se manifesta, vers cette époque, au sein des assemblées législatives. C’était le moment des grandes batailles qui se livraient à la tribune et dans la presse à propos de la graine de sésame. Les dispositions de l’ordonnance de 1843 n’eussent jamais été acceptées par la chambre des députés, elles n’auraient point trouvé place dans la loi du 9 juin 1845, si le gouvernement n’avait pas offert aux industriels les perspectives d’un placement plus sûr de leurs tissus, grâce à la protection d’un droit de 30 pour 100. Il ne serait donc pas équitable de critiquer trop durement les modifications qui furent apportées en 1843 aux tarifs de l’Algérie. C’était une grande conquête sur les préjugés du temps que d’obtenir pour les céréales, pour les bestiaux, pour les huiles de la colonie, des taxes réduites, quand l’agriculture, dans ses frayeurs sincères, mais extravagantes, se figurait déjà que les blés arabes allaient nourrir une partie de la France, et que les bœufs du Maroc se préparaient, en troupes serrées, à envahir notre sol ; c’était surtout un grand point d’avoir épargné à la colonie la prohibition, ce mot fatal qui, une fois écrit dans un tarif, s’y incruste en caractères indélébiles. Du reste, les résultats de la législation de 1843 répondirent à peu près aux prévisions. On a vu plus haut que, pendant cette année, l’ensemble du commerce algérien représentait 80 millions de francs. Dès 1846, avec une population civile européenne de cent onze mille âmes et un effectif militaire de cent mille hommes, l’Algérie importait pour sa consommation une valeur de 111 millions, dans laquelle les produits métropolitains figuraient pour les deux tiers, et elle exportait 9 millions, à savoir 4 millions pour la métropole et 5 millions à destination directe de l’étranger.

Nous voici à la période de 1848. Si la colonie vit à regret s’éloigner vers l’exil un gouverneur que son mérite personnel autant que son titre de prince devait lui rendre précieux, elle voyait en même temps arriver à la tête du gouvernement et aux commandemens les plus élevés plusieurs généraux de l’armée d’Afrique. Formés à l’école du maréchal Bugeaud, les généraux Cavaignac, de Lamoricière, Bedeau, Duvivier, n’avaient point seulement les qualités qui distinguent les militaires habiles et intrépides, ils s’étaient aussi livrés à de sérieuses études sur la colonisation, et les personnes qui se sont tenues au courant des écrits consacrés à l’Algérie n’ont sans doute pas perdu le souvenir des brochures que ces généraux, tour à tour chefs de bureaux arabes, commandans d’expéditions, gouverneurs de cercles ou de provinces, ont publiées avant 1848 pour éclairer l’opinion sur les ressources du sol conquis, et surtout pour combattre la tiédeur que rencontraient trop souvent dans certaines régions législatives les intérêts algériens. On remarqua,