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cette glorieuse compagne du commerce. Sans dédaigner les relations que l’on peut créer un jour entre l’Europe et Tombouctou, il est permis de n’être que médiocrement touché de l’argument, au moins dans ses conséquences prochaines. Il faut se livrer à un grand effort d’imagination pour apercevoir dès à présent, à travers les sables du désert et dans les horizons confus de l’Afrique, ces magnifiques perspectives commerciales. — En résumé, si l’on considère la question commerciale, les communications de l’Algérie avec la métropole sont les plus profitables, et l’on ne doit point les compromettre. Même avec le régime en vigueur, l’Algérie peut exporter ses produits à l’étranger et par tous les pavillons. Cette faculté, bien qu’elle soit nécessairement restreinte par un droit de tonnage dans certains cas, et par le tarif d’importation qui frappe les marchandises, lui suffit en l’état présent de sa production, et elle pourra, elle devra même être successivement élargie, à mesure que les transactions, en se développant, provoqueront dans la colonie, comme dans la métropole, une législation économique plus libérale.

Si maintenant l’on se place au point de vue de la colonisation, la liberté absolue semblera pour le moment moins avantageuse pour l’Algérie qu’on ne serait tenté de le croire. Les Antilles et la Réunion sont des colonies adultes ; elles possèdent des cultures en plein développement, et lors même que sous une loi de concurrence elles se verraient obligées de baisser les prix de leurs sucres, par conséquent de réduire leurs bénéfices, elles ne seraient point condamnées à périr ; les champs de cannes garderaient leurs trésors de fertilité accumulés sous le travail de plusieurs générations. L’Algérie au contraire se trouve, sous le rapport des cultures, dans les douleurs de l’enfantement. Certes nous avons, nous aussi, nos blue-books, et les rapports officiels, de même que les panégyriques officieux, ont plus d’une fois entonné, à la gloire de l’Algérie, l’hymne de la prospérité croissante. On aurait tort de les quereller sur ce point, car dans une telle entreprise, où nous avons exposé notre honneur et notre fortune, il faut tenir sans cesse en éveil l’intérêt et la faveur du public. Les bulletins de colonisation ne sont pas moins nécessaires que les bulletins de victoire, et l’exagération bien intentionnée n’est pas un grand crime ; elle semble d’ailleurs presque sincère, et il est si naturel de se complaire dans son œuvre ! Mais sérieusement, sauf les céréales, quelle est la culture de laquelle on puisse dire qu’elle est implantée, naturalisée en Algérie ? La production du tabac donne de belles espérances ; l’exportation dépasse déjà plus de 3 millions de kilogrammes. Ce commencement de prospérité se maintiendrait-il, si l’administration ne se chargeait plus d’acheter à un prix rémunérateur la presque totalité de la récolte ? C’est encore l’administration qui achète les soies provenant des magnaneries algériennes (1,500 kilogrammes exportés en 1857) ; c’est elle qui, à grand renfort de primes, est parvenue à élever à une centaine de milliers de kilogrammes la production du coton !