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MAC-FY
SOUVENIRS D’ÉCOSSE.



I.

Tous nos compagnons de course se rappellent encore les chasses et les battues de cerfs qui nous réunissaient au mois d’août de l’année 185…, dans le Glenquoich, un des cantons les plus reculés du comté d’Inverness. Une fois entre autres, la journée fut à souhait pour nos plaisirs : pas un nuage au ciel ; une fraîche brise de mer tempérait la chaleur du jour, et nous permettait de jouir sans fatigue de la beauté du site où le hasard de la chasse avait conduit nos pas. Cachés derrière de grosses touffes d’herbes, sur le revers d’une colline, près d’une coupure de terrain au fond de laquelle serpentait un petit ruisseau qui nous séparait d’un bois de chênes et de bouleaux, nous attendions, les membres engourdis, les paupières demi-closes, plongés dans cette ivresse délicieuse que donnent la transparence de l’air et le souffle du vent imprégné des senteurs des montagnes. Sur notre gauche, à deux cents pas environ, la gorge étroite était fermée par des rochers de grès garnis d’arbres ; vers la droite au contraire, l’horizon se dégageait. Deux petits étangs et une plaine de bruyère d’environ trois lieues se reliaient par une pente insensible aux contre-forts boisés de deux montagnes dont les cimes dénudées se détachaient au nord et à l’est sur le bleu du ciel. Les rayons du soleil, en s’étendant sur cette plaine, semblaient avoir suspendu aux feuilles des bruyères des millions de grenats, et de larges crevasses de terres noires donnaient plus d’éclat encore à ces ondulations rougeâtres. Nous entendions les mille sons harmonieux qui forment les grands silences de la terre. Aucune créature humaine ne troublait le repos de ces espaces. Les chevreuils et les cerfs pouvaient s’avancer sans défiance.