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françaises se font protéger contre les productions de notre colonie, pourquoi, diraient les logiciens, notre marine marchande serait-elle moins favorisée et aurait-elle à subir la concurrence étrangère dans ses transports entre la colonie et la métropole ? De pareilles contradictions nous touchent peu ; ce n’est que par de tels accrocs à la logique que la liberté commerciale peut s’introduire parmi nous. Pour entrer dans la pratique générale, il faut que les principes économiques se résignent à passer par des expérimentations partielles. Il n’y a que le succès de ces expériences partielles qui puisse non-seulement instruire le pays des avantages de la liberté commerciale, mais convaincre les intérêts protégés du peu de fondement qu’ont les craintes par eux alléguées. Plusieurs expériences de ce genre ont été déjà accomplies ou entreprises. La plus décisive jusqu’à présent est celle qui a permis l’introduction des bœufs étrangers, moyennant un droit insignifiant. Il y a plusieurs années, lorsqu’on réduisit de 50 fr. à 3 par tête le droit d’entrée des bœufs, on avait annoncé la ruine des éleveurs français : l’événement a démontré l’absurdité de la prophétie ; les prix de la viande sont restés très élevés, et s’il y a lieu d’exprimer un regret, c’est que l’étranger ne puisse point fournir une quantité plus considérable de viande à notre consommation croissante. L’expérience de la libre entrée des céréales, qui se poursuit encore, ne sera pas moins concluante. L’agriculture française ayant renoncé à la protection sur deux de ses branches les plus importantes, nous ne savons quel autre intérêt en France aurait le droit de réclamer la conservation de privilèges onéreux à la masse des consommateurs et nuisibles à la fécondité du travail et du capital français. Bien qu’on nous accuse d’impatience, il nous semble que nous ne faisons que suivre le même système d’expériences successives et indirectes, en demandant pour l’Algérie d’abord l’entière liberté d’échanges avec la métropole, et ensuite un abaissement du tarif colonial vis-à-vis des produits étrangers. Puisqu’il faut marcher lentement et progressivement, pourquoi, avant de mettre directement nos industries protégées aux prises avec la concurrence étrangère, n’essaierait-on pas de les aiguillonner par la concurrence indirecte ? Quoi qu’il en soit, nous tenons grand compte au gouvernement des mesures partielles par lesquelles il prépare l’abandon du système des prohibitions ou des protections exagérées. Nous avons déjà eu occasion de le dire, pour imprimer à sa politique commerciale une libérale impulsion, il faut qu’il songe à donner lui-même l’exemple des sacrifices, il faut qu’il renonce aux droits fiscaux et véritablement barbares que l’on perçoit encore sur les matières premières nécessaires à la grande industrie. C’est à l’abolition absolue des droits imposés au coton et à la laine qu’il doit appliquer les premières ressources disponibles que lui laisseront les excédans du budget. Au double point de vue de l’équité et de la logique, l’abolition des droits sur les matières premières peut seule donner à l’état une autorité morale suffisante pour supprimer les prohibitions et adoucir les droits protecteurs.

Nous pardonnera-t-on de compter au nombre, pour le moment si restreint, des questions intérieures la question de la propriété littéraire, qui vient d’être discutée avec tant d’éclat au congrès de Bruxelles ? Au fait, cet intéressant et brillant débat n’est-il pas essentiellement français ? C’est dans