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foi entièrement modérée. Le parti conservateur a-t-il été désarmé ? Il poursuit plus que jamais la guerre contre le cabinet et contre le président du conseil personnellement. Il redoute la mobilité et les changemens de front du chef du cabinet. Que savons-nous ? il va peut-être plus loin encore dans ses défiances, en soupçonnant chez le comte de Lucena des velléités dictatoriales qui feraient bon marché de la reine elle-même. Ce simple soupçon, si injuste qu’il soit certainement, suffit pour indiquer le peu de sympathies que le général O’Donnell rencontre encore aujourd’hui parmi les conservateurs espagnols, aigris tout d’abord, sans trop de raison, par les premiers actes du ministère. D’un autre côté, les progressistes, un moment à demi satisfaits par la rectification des listes électorales et par une assez large distribution d’emplois, ont été quelque peu refroidis par la circulaire conservatrice de M. Posada Herrera. Quelques-uns d’entre eux, ceux qui ont accepté des fonctions, ne se sont point séparés, il est vrai, du cabinet ; mais ils sont à peu près traités de schismatiques par le reste du parti, qui prend une attitude ouverte d’hostilité. Les déclarations de guerre des progressistes ne seraient rien, si elles valaient au cabinet l’appui des modérés ; c’est justement parce qu’il se trouve entre les hostilités des uns et des autres qu’il doit se trouver embarrassé.

C’est là en effet la situation. Plus on marche, plus il est clair que le ministère O’Donnell est en face d’oppositions redoutables. Ces oppositions pourront n’avoir point la majorité dans le congrès, elles n’existeront pus moins, car les congrès ne sont d’habitude en Espagne qu’une représentation très peu exacte de l’opinion du pays. Plus les congrès, sont ministériels, plus les cabinets ont à craindre ; c’est ce qui s’est vu plus d’une fois au-delà des Pyrénées. Qu’on observe d’ailleurs que les fractions des anciens partis qui soutiennent le ministère ne le font pas d’une manière complètement désintéressée. Les progressistes ralliés soutiennent O’Donnell dans l’espoir de lui succéder, et il en est de même des modérés. Déjà plus d’une fois on a parlé du prochain avènement au pouvoir de M. Mon. Enfin, au milieu de cette confusion, le ministère lui-même est-il parfaitement uni ? On en peut certes douter d’après les bruits de crise qui se renouvellent tous les jours. Comme dans toute la situation de l’Espagne, il y a au sein du cabinet deux tendances, l’une inclinant vers les modérés, l’autre inclinant vers les progressistes. La création d’un parti libéral nouveau et dégagé de toute prévention exclusive serait assurément un grand bien pour l’Espagne ; mais il faut conclure de tout ceci qu’elle est encore un problème, et les ambitions personnelles ne sont pas ce qui embarrasse le moins la solution du problème.

Quand nous citions, il y a quelques semaines, certaines sorties vigoureuses et sévères de M. de Maistre contre le clergé catholique de son temps, nous ne doutions guère des colères que nous allions exciter contre nous. C’est surtout à l’église italienne que nous avons eu le malheur de déplaire. Que voulez-vous ? nous n’aimons pas plus les muphtis en religion que les sultans en politique. Ce langage de convention que parlent trop souvent les clergés officiels nous a tant lassés, que nous n’avons pu résister à la joie de répéter les franches et gaillardes paroles que M. le comte de Maistre employait librement pour qualifier les platitudes et les plats du parti qu’il