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bœuf, porc ou poisson salé, une de sucre, une once de thé, remplacées à volonté par deux dollars. Chaque Chinois aura un coin de terre pour y cultiver des légumes : il n’y aura pas de travail le dimanche, à moins qu’on ne soit très pressé, et alors on recevra une paie exceptionnelle. Les femmes et les enfans des coolies auront le passage libre et seront rétribués dès leur introduction dans la colonie, s’ils peuvent être utilisés. À bord de chaque bâtiment sera placé un interprète chargé de rester un an ou deux avec les coolies pour leur enseigner les usages et les lois du pays où ils seront transportés. Enfin les soins médicaux leur seront prodigués.

Si les Anglais faisaient de leur mieux pour régulariser ce trafic et en tirer quelque profit, les Américains des États-Unis, qui n’ont jamais trouvé d’intérêt à le pratiquer pour leur compte, et qui ont les premiers entrevu et redouté la concurrence de l’activité chinoise, s’en déclaraient les adversaires absolus. De 1853 à 1857, cette question reparaît dans tous les documens législatifs publiés par le congrès de Washington : il n’y a pas de commerce plus immoral et plus infâme ; il est égal à la traite et a coûté la vie à nombre de victimes sans enrichir les survivans ; il se fait par bâtimens américains, et il en résulte que les honorables relations des deux empires en sont compromises ; les citoyens des États-Unis feront donc bien de s’abstenir de cet odieux trafic. En janvier 1856, par acte signifié publiquement, le gouvernement américain déclare illégal, immoral, plein d’horreurs, ce commerce des coolies, qui entraîne, au mépris des anciennes lois de l’empire et des décrets récens, des hommes, des femmes, des enfans, sans qu’ils sachent où, et les fait pour la plupart périr misérablement. Les capitaines américains sont plus que jamais invités à s’en abstenir ; mais le moyen de détourner un citoyen des États-Unis d’une industrie lucrative ?

On se bornait, dans les ports de la Chine ouverts aux étrangers, à prendre toutes les mesures que l’on croyait propres à conjurer les périls attachés à ce commerce, et à garantir au moins de la part des Chinois le loyal accomplissement des conditions stipulées. Nous avons vu quelles étaient les promesses et les offres des agens anglais ; ils s’efforçaient de prendre les coolies par la douceur. En outre, les recommandations les plus minutieuses étaient prescrites par les agences aux capitaines chargés du transport des coolies, pour éviter tout motif de désaccord et de mécontentement. De leur côté, les autorités portugaises de Macao prenaient à tâche de réglementer par des prescriptions précises et sévères le transport des Chinois. Malgré ces précautions, l’emploi des coolies a été en déclinant jusqu’au moment où la guerre de Canton lui a porté un dernier coup. Il n’a pas entièrement cessé : Amoy, Shanghaï, Hong-kong en