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sion ou le châtiment de quelques-uns. La police, lorsqu’elle voyait ceux-ci maltraités par leurs compatriotes, essayait d’intervenir comme protectrice, mais le plus souvent sans succès: les opprimés, soit terreur, soit convention, refusaient de mettre à profit sa bonne volonté. Il n’est pas possible de savoir en vertu de quelles causes et de quelles règles ils agissent ainsi; les Chinois n’ont jamais répondu que par des mensonges aux questions relatives à cet objet. D’ailleurs ils se conforment pleinement aux lois de l’état et aux ordonnances municipales, et, s’ils y manquent, ce n’est le plus souvent que par ignorance.

A la suite des nombreux et vastes incendies qui ont désolé San-Francisco, cette ville a en partie remplacé les maisons de bois par des maisons de pierre, et cette pierre, traversant le Pacifique, venait toute taillée de la Chine. Cependant le quartier chinois est presque entièrement construit en bois, et beaucoup des maisons qui le composent ont été apportées en pièces de Chine et remontées sur place : elles sont petites et incommodes; on ne saurait croire pourtant quelle quantité de monde s’y entasse. Il n’y a qu’un nombre très minime de Chinois qui aient adopté le costume européen : les autres conservent leur vêtement national, leur longue queue, et c’est surtout à cette cause, au mouvement des rues, à l’activité qui y règne constamment, aux lanternes en papier peint qui les éclairent, que le quartier chinois doit sa physionomie originale.

En Australie, les trente ou quarante mille Chinois répartis dans les districts aurifères n’ont de même rien abandonné de leurs habitudes et de leur caractère national. Melbourne, comme San-Francisco, a ses rues chinoises. C’est à partir de 1854 que l’émigration, sans abandonner la Californie, se porta de préférence vers l’Australie, à cause sans doute du moindre éloignement et par économie, car les Anglais ne lui ont pas fait meilleur accueil que les Américains. La législature, en les voyant arriver en foule, prit des mesures qu’elle croyait propres à les détourner : elle imposa dix livres sterling par tête, et interdit aux bâtimens d’importer plus d’un Chinois par dix tonnes; mais les navires, se détournant de Port-Phillip, abordaient dans d’autres parties du continent australien, et y déposaient les Chinois, qui gagnaient parterre la colonie, en sorte que le port de Melbourne était privé, sans résultat, d’une de ses principales sources de revenu. Cette mesure, qui manquait son effet, fut supprimée; la première subsista seule. Les Chinois payèrent l’impôt, et l’immigration continua, amenant chaque mois des milliers de travailleurs, si bien que l’alarme se répandit de nouveau. Les feuilles publiques déclamèrent contre cette invasion qui menaçait