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nouvelles, maintenir l’autorité de l’empereur dans les provinces et veiller à la conservation de ses propres états. Un homme vulgaire eût succombé à la tâche; Madha-Dji, en sortant sain et sauf des rudes épreuves qu’il eut à subir, prouva qu’il était doué d’une capacité supérieure. Le manque d’argent, — et il en fallait toujours pour payer les troupes, — fut cause qu’il se conduisit d’une façon tyrannique à l’égard des provinces soumises à son autorité. Les Radjepoutes, race fière et belliqueuse, impatiens du joug que leur imposaient les montagnards du midi et ennuyés de payer toujours de grosses sommes d’argent, se soulevèrent à l’instigation de quelques chefs musulmans, jaloux de la prépondérance dont jouissait Madha-Dji-Sindyah à la cour mogole. Les troupes envoyées contre eux par celui-ci furent battues. Cet échec provoqua des murmures de la part des courtisans; l’empereur lui-même parut ébranlé dans sa confiance, et Madha-Dji-Sindyah, dont une partie des troupes marchait au nord de Dehli pour s’opposer à une invasion des Sicks, dut rappeler de Boigne du Bondelkund et s’avancer avec lui contre les Radjepoutes.

Madha-Dji-Sindyah trouva ses adversaires réunis en grand nombre sous leurs chefs de clans, et commandés par les râdjas de Djoudpour et de Djeypour. La veille du combat, Mohammed-Beg-Hamadani, — chef de l’ancienne faction vaincue par Sindyah, et qui s’était réconcilié avec lui, — passa du côté de l’ennemi avec son neveu Ismaël-Beg. Voulant arrêter la désertion, Madha-Dji, sans plus tarder, livra bataille. On se battit avec acharnement; Mohammed-Beg fut tué d’un coup de canon, mais Ismaël rallia les siens qui fuyaient, et rien ne se décida dans ce premier jour de combat. Les jours suivans, Madha-Dji se préparait à une nouvelle attaque, lorsque toute l’infanterie de l’empereur mogol, abandonnant le chef mahratte, courut rejoindre Ismaël-Beg avec quatre-vingts pièces de canon.

A aucun moment de sa vie, Madha-Dji-Sindyah ne montra plus de force d’âme et d’esprit de conduite que dans cette crise terrible[1]. Il est vrai qu’il avait auprès de lui de Boigne, dont les conseils et les talens contribuèrent à le tirer de cette position difficile et à le faire arriver à un degré de puissance qu’aucun prince de l’Inde n’avait atteint depuis la mort d’Aurang-Zeb[2]. Rappelant

  1. Ce sont les propres paroles de J. Grant Duff, qui raconte en détail cette curieuse campagne. Son témoignage a d’autant plus d’importance qu’il n’éprouve guère pour les héros de l’Inde moderne cette sympathie modérée et toujours raisonnable qui semble animer les récits de sir John Malcolm.
  2. Cette appréciation est celle de sir John Malcolm, qui appelle de Boigne a man of no ordinary description. Bien que de Boigne fût né en Savoie, les Mahrattes l’ont toujours considéré comme Français.