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la famille Holkar de tout partage des territoires acquis dans l’Hindostan, puis le désir de s’assurer des progrès que les Anglais avaient faits à Pounah dans l’esprit de Nana-Farnéwiz. Bien que ce dernier agît avec l’autorité d’un peshwa, il n’était en réalité que le régent du véritable titulaire de cette importante fonction, le jeune Madhou-Naraïn-Rao : c’était à celui-ci que Madlia-Dji-Sindyah venait, à la tête d’un corps de troupes, présenter ses hommages et donner l’investiture du titre de wakil-oul-moutlak (vice-régent) de la part de l’empereur de Dehli. Jamais la ville de Pounah et les montagnes pelées qui l’entourent n’avaient vu rien de pareil aux pompeuses cérémonies qui accompagnèrent la remise des présens envoyés par le Grand-Mogol. Au jour de l’audience solennelle, Madha-Dji-Sindyah descendit de son éléphant aux portes de la ville et prit place au-dessous de tous les grands assis dans la salle du palais. Lorsque le jeune peshwa l’invita à s’asseoir parmi les premiers de la cour, il refusa, et, dénouant un petit paquet qu’il portait sous le bras, il en tira les vieilles pantouffles que son père avait eu pour office de tenir à la main, en disant : « Tel était l’emploi de mon père et tel doit être le mien; je ne suis, par ma naissance, que le fils d’un patel[1], et j’en garde le titre. »

Sans aucun doute, cette humilité n’avait rien de bien sincère[2]. En s’abaissant ainsi, Madha-Dji-Sindyah voulait plaire au jeune peshwa, dont il flattait l’orgueil brahmanique. Il savait que l’on porte moins ombrage à ceux dont on respecte le rang et la naissance. Les peshwas eux-mêmes n’étaient parvenus à gouverner leurs propres souverains et à les dominer au point de se substituer à eux qu’en les traitant avec déférence et en se courbant devant leur personne royale. Arrivé au faîte de la puissance, Madha-Dji-Sindyah cherchait à s’y maintenir; pour cela, il lui fallait attirer à son parti par des attentions particulières le jeune peshwa Madhou-Naraïn. En lui remettant en grande pompe les présens offerts par l’empereur et en l’accablant de riches cadeaux qu’il présentait lui-même à titre de vassal, il avait l’air de déposer aux pieds du chef nominal de la confédération son autorité souveraine avec l’hommage de sa fidélité.

  1. Chef de village.
  2. Il y a cependant quelque exagération à dire, comme M. J. Grant Duff, qu’elle excite le dégoût. Cet écrivain a donné dans sa précieuse et substantielle Histoire des Mahrattes tous les détails des cérémonies et des fêtes qui eurent lieu à l’occasion de cette investiture; il a tracé là, en quelques pages, une scène de mœurs qui montre sous un aspect vraiment féerique cette cour mahratte désormais muette et déserte.