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annonçant la rentrée de la presse dans le droit commun, — au risque de passer pour des disciples de Pangloss, — nous oserions trouver une consolation dans ce changement de système.

L’incident du Portugal est terminé. Le Charles-et-George ayant été capturé hors des eaux du Portugal, et la présence d’un délégué du ministère de la marine à bord du navire étant une garantie de la moralité de ses opérations, on ne pouvait permettre au Portugal d’abuser de sa faiblesse au point de soumettre un navire et un capitaine français à une juridiction illégale. Le Portugal a bien fait de céder, et nous espérons que ce fâcheux incident ne jettera point de froideur dans les relations de la cour de Lisbonne avec la France. Quoi qu’il en soit, si les correspondances parisiennes des journaux anglais sont bien informées, l’affaire du Charles-et-George aurait eu au moins un résultat indirect, dont les amis de l’humanité auront à se féliciter : elle aurait confirmé le gouvernement français dans la résolution, déjà prise, dit-on, depuis quelque temps, de renoncer aux engagemens des noirs sur la côte d’Afrique. Nous l’avons dit à plusieurs reprises : il est difficile que des engagemens libres puissent être contractés sur la côte d’Afrique ; il y a lieu de craindre que les noirs engagés par les recruteurs ne soient des esclaves vendus par les petits sultans ou chefs de ces contrées. Il serait déplorable qu’un pareil commerce encourageât ces chefs à se procurer par la guerre des esclaves qu’ils iraient vendre sous le nom d’engagés. M. Benson, le président de la petite république noire de Libéria, constate, dans un document récemment publié à la suite de l’affaire de la Regina-Cœli, que les noirs qui passent sur le territoire de la république pour être mis à la disposition des recruteurs ne viennent pas de leur gré, et sont au contraire vendus par les chefs des tribus voisines. Il n’est guère permis de croire à la spontanéité des engagemens sur la côte orientale d’Afrique et dans le Mozambique. Il y a sur ce point un témoignage considérable, c’est celui du docteur Livingstone, l’illustre voyageur qui poursuit en ce moment ses courageuses explorations et ses belles découvertes dans l’intérieur de l’Afrique. Les Portugais avaient formé de petits établissemens à l’embouchure du Zambesi. À son retour en Afrique, le docteur n’a plus retrouvé ces établissemens. Les Portugais avaient été chassés par les tribus voisines. Pour quel motif ? « À cause, écrit-il, de la coopération prêtée par les Portugais au plan français de l’émigration. » Ce fait n’indique point chez les nègres un goût prononcé pour l’émigration. Il faut dire à l’honneur du gouvernement portugais qu’il s’est associé depuis plusieurs années avec un zèle très efficace à l’abolition de la traite, et que ses honorables efforts ont obtenu leur récompense. Son établissement de Loando, sur la côte d’Angola, a fait de remarquables progrès depuis la cessation du trafic des esclaves. Loando exportait autrefois de quinze à dix-huit mille esclaves par an. Depuis l’abolition de ce honteux trafic, le commerce de Loando, qui était nul auparavant, a conquis une véritable importance. En 1856, les importations se sont élevées dans cet établissement à une valeur de 6 millions, et les exportations à plus de 7 millions. Cet exemple prouve que les populations noires de l’Afrique peuvent être progressivement gagnées à la civilisation par les opérations d’un commerce régulier ; il rend plus hideux encore ce crime de la traite, ou de tout