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pacifique, n’a-t-elle pas réussi ? Comment la France de 1858, après tant de glorieuses victoires, n’a-t-elle pas obtenu de l’Europe pour les principautés ce que la France de 1840, isolée et exclue du concert européen, a obtenu pour l’Égypte, ayant de moins bonnes raisons pour l’obtenir ? Est-ce qu’en ce monde on réussit d’autant moins qu’on a plus raison ? L’hospodarat, d’après l’acte du 19 août 1858, sera viager. Or le mémorandum du 26 mars 1855 le disait avec beaucoup de force et de raison : l’hospodarat viager ne vaut guère mieux que l’hospodarat temporaire. Le règlement organique avait aussi créé, si je ne me trompe, l’hospodarat à vie ; cela n’a pas empêché l’hospodar Alexandre Ghika d’être destitué. Il a été remplacé par M. Bibesco, qui lui-même l’a été par M. Stirbey. M. Stirbey a été remplacé à son tour par M. Alexandre Ghika, revenant occuper, sous le titre de caïmacan, ce trône hospodaral qu’il ne devait quitter qu’avec la vie, et si M. Ghika est nommé de nouveau hospodar, ce sera pour la seconde ou pour la troisième fois qu’il aura fait son avénement viager.

Ainsi la France n’a obtenu pour les principautés ni l’hérédité ni le prince étranger. Je me souviens qu’en 1840, au moment de l’échec de notre politique sur la question de Syrie, beaucoup de personnes disaient : « Voilà ce que c’est que de nous être laissés mettre hors du concert européen ! » et d’autres : « Voilà ce que c’est que de n’avoir pas accepté dès le commencement l’alliance que l’Angleterre nous offrait contre la Russie ! » Eh bien ! en 1858, nous avons fait le contraire de 1840 : nous sommes restés dans le concert européen et nous nous sommes alliés avec l’Angleterre contre la Russie. Je persiste à croire que nous avons bien fait ; mais avons-nous plus obtenu de notre persistance à demeurer dans le concert européen et de notre alliance avec l’Angleterre que nous n’avons obtenu en 1840 de notre isolement d’avec l’Europe et d’avec l’Angleterre ? Non assurément. Si je ne regardais dans la question d’Orient que celle des principautés, je serais tenté de croire que nous avons été dupes de notre alliance avec l’Angleterre et de nos ménagemens pour l’Autriche. La question des principautés n’est pas heureusement la seule question orientale. Outre la gloire que nous avons acquise, nous avons, par cette gloire même, obtenu en Orient sur les populations une influence morale qui nous donnera l’ascendant le jour où nous voudrons nous servir de cette influence : je parle de notre influence sur les populations, parce que je ne pense pas que personne encore puisse croire à la reconnaissance des gouvernemens, surtout de la Porte-Ottomane, envers nous. Depuis le traité particulier fait entre la Turquie et l’Angleterre, la Porte-Ottomane a rayé la France de la liste de ses sauveurs. Elle ne se croit plus