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fin du siècle dernier. Une différence réelle entre les nerfs qui transmettent la sensibilité et ceux qui conduisent la volonté ou le mouvement, entrevue quelquefois, n’avait jamais été clairement établie. Galien faisait venir les uns de la moelle et les autres du cerveau. Il faut arriver non pas seulement à la physiologie moderne, mais à la physiologie récente de ces quarante dernières années, pour obtenir quelques notions claires sur ces difficiles problèmes, et encore verrons-nous que ces notions sont restées incomplètes, et que bien des choses, comme disait Sénèque, se meuvent toujours dans les ombres d’un secret impénétrable. Nous ne ferons donc pas ici l’histoire minutieuse de chaque progrès du savoir, et nous entrerons tout de suite en matière.

Que se passe-t-il lorsqu’une impression reçue du dehors vient provoquer un mouvement? On répond que cette impression est transmise par les nerfs au cerveau, qui, en vertu de l’excitation qu’il reçoit, réagit à son tour, et, envoyant une excitation nouvelle à l’extrémité du membre, irrite le muscle ou les muscles : ceux-ci se contractent, se raccourcissent, et le mouvement est exécuté. Tout cela parait fort compliqué, et ce double trajet est un peu long. Il semble que toutes ces actions et réactions sont inutiles, et que le raisonnement et l’excitation pourraient bien avoir lieu dans le membre lui-même, sans que le cerveau intervînt. Il n’en est pourtant pas ainsi, et les preuves abondent : si l’on coupe tous les nerfs d’un membre, aucune sensation n’est perçue, aucun mouvement ne peut être produit; la communication avec le cerveau est donc indispensable à la sensibilité et à la contractilité volontaire. A première vue, la rapidité de ces excitations diverses paraît excessive, et l’on a parfois donné la simultanéité apparente de l’impression, de la réflexion et du mouvement, comme une preuve que cette transmission et ce retour étaient impossibles. Cette rapidité pourtant n’est pas infinie, comme on l’a cru, et quoiqu’il soit difficile de la mesurer, on a pu s’assurer pourtant par des comparaisons qu’elle n’avait rien de merveilleux. Haller calculait que cette vitesse était de neuf mille pieds par minute, ce qui n’est pas très considérable auprès de la vitesse de la lumière et de l’électricité. Sauvage croyait à trente-deux mille quatre cents pieds, et un autre physiologiste à plus de cinquante-sept millions de pieds par seconde; mais c’étaient des conjectures et non des expériences. Valentin avait observé un pianiste qui, doué d’une grande agilité, pouvait fléchir son doigt trois cent vingt fois par minute, c’est-à-dire faire parcourir à l’agent nerveux trois cent vingt fois en une minute la distance qui sépare le bout du doigt du cerveau. En évaluant cette distance à deux pieds et demi, on conclut seulement à une vitesse de treize pieds par seconde. En